Hicham R., Marocain, est un homme mince de 29 ans, doté d’une barbe peu épaisse, qui arbore de vilaines coupures aux mains et sous l’œil droit. La présidente de la 23e chambre correctionnelle égrène les chefs de prévention et restitue l’équipée solitaire du prévenu :
« Vers minuit, les fonctionnaires de police se voient désigner par un passant un homme qui, dans la rue, déambule en titubant. Il porte un manteau noir que le passant dit être le sien, volé à l’instant dans sa voiture dont une vitre a été fracturée. Sur l’homme – Hicham R. – les policiers trouvent deux téléphones haut de gamme. Ils constatent qu'il est ensanglanté, présente des blessures au visage et à la main, qu’il dit causées par une bagarre. Des traces de sang sont découvertes dans les deux voitures fracturées. »
Vol, tentative de vol, dégradation de biens.
Hicham R. est alors interpellé, et dans la voiture de police s’égosille : « Nique les Français, je vais partir à Daech pour revenir les tuer. » Gesticulant, vociférant, le mis en cause poursuit son concerto d’outrages à l’adresse des fonctionnaires : « Je suis musulman, je suis Daech », puis simule un malaise vers 4 h 50 du matin, lorsque que l’OPJ décide de le placer en cellule de dégrisement (aussi appelée chambre de sûreté), en attendant de l’emmener à l’hôpital. À ce stade, Hicham R. refuse de donner son identité et de souffler dans l’éthylotest. Il gesticule, se débat et lance à un policier : « Je vais venir chez toi et te mettre une balle dans la tête, comme les Kouachi ont fait à Ahmed. »
Outrage, rébellion, menace de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique.
« Je vais avoir des armes et vous enculerai tous avec »
Dans son box, Hicham R. paraît ébahi par ces révélations. « Ça vous fait rire ? », se renfrogne la présidente.
Il est hilare. « Madame, j’étais trop bourré, c’pour ça », rétorque-t-il souverain. Lasse, la présidente achève :
« On vous emmène à l’hôpital Saint-Antoine, et là vous faites n’importe quoi. » Elle lit mécaniquement : « Vous êtes tous des infidèles je vais aller en Irak faire le Djihad, je vais avoir des armes et vous enculerai tous avec. » Tandis qu’il cacarde à tue-tête, les policiers qui l’accompagnent sont obligés de mettre à l’écart les patients et le personnel soignant, car l’homme est turbulent, rendu fou par l’alcool et cause un tapage monstre.
Apologie d’un acte terroriste.
Enfin, la présidente fait un bref rappel des condamnations pour vol et recel d’Hicham R., qui lui ont notamment valu une interdiction du territoire français de trois ans début 2013, et dont la violation constitue le dernier chef de prévention de ce dossier.
Hicham R. dit au début ne pas reconnaître les faits de menaces et d’apologie, puis précise sa pensée : « Je ne m’en souviens pas, peut-être que je l’ai dit, mais quand je bois et que je prends du Valium, je fais n’importe quoi. » L’enquête rapide de personnalité l’a consigné : « Lorsqu’il boit et prend des médicaments, il perd la conscience des événements. »
« Madame, 'scuse-moi, 'scuse-moi, 'scuse-moi pour les actes terroristes »
Hicham R. ne semble pas non plus avoir conscience que son amnésie ne l’exonère pas, et que, empreints de boisson, de tels propos aggravent son cas. L’air mi-serein, mi-blasé, il écoute le réquisitoire du procureur et paraît presque étonné lorsque sont requis 12 mois fermes avec mandat de dépôt :
« Ces insultes, ces menaces ne sont pas lancées ainsi à la cantonade, ce sont des propos vociférant pendant 20 minutes et pas n’importe où, dans une salle d’attente où les personnels et les patients, c’est-à-dire les plus utiles et les plus faibles, doivent être déplacés. Ce ne sont pas des éléments neutres, ce sont des faits qui viennent ponctuer un parcours judiciaire bien inquiétant. »
La défense tente de dédouaner l’ivrogne : « Je conteste son pouvoir de décision, son état ne lui permettait pas d’avoir conscience de tout ce qu’il a fait. » Le prévenu conclut l’affaire : « Madame, 'scuse-moi, 'scuse-moi, 'scuse-moi pour les actes terroristes. »
Des amis à lui sont « venus le chercher », il leur sourit au moment de réintégrer le box, après les délibérations. Douze mois ferme, mandat de dépôt, 500 euros de préjudice moral pour le policier menacé. Frappé d’effroi, Hicham R. se penche vers son avocat qui lui confirme d’un hochement de tête qu’il a, cette fois-ci, tout bien compris.