Pierre-Henri, né à Neuilly en 1961, attend calmement son tour dans le box des comparutions immédiates malgré l'agitation : un autre prévenu, vêtu d'un t-shirt « F**kin' Problems » dit aux gendarmes d'aller se « faire enculer ». La présidente expédie l'affaire, et passe à Pierre-Henri. Il aurait agressé un mec peu avant minuit à un arrêt de bus dans le 15e. Les flics le cueillent peu après, au fond d'un bus. Sur lui : un cutter, six sachets de crack, soit quatre grammes, et une pipe à crack. Dans son urine, on détecte de la cocaïne et du cannabis. Pierre-Henri retient un sourire, et nie l'agression : « Le premier fait dont vous avez parlé est un petit peu… olé-olé. » Noir, chauve et moustachu, il affiche une certaine sérénité. La présidente, elle, ne trouve pas ça drôle du tout :
« Donc vous profitez de vos passages à Paris pour vous approvisionnez en crack.
– Oui, mais je n'en consomme pas tous les jours.
– C'est pas tout à fait tous les jours… C'est tous les deux jours ? lance une présidente acerbe. Ce qui est plus problématique, c'est les faits de violence… que vous contestez !?
– Il est venu et m'a demandé de me déplacer pour pourvoir uriner dans l'arrêt de bus. Je lui ai dit qu'il ne ferait pas ses besoins ici.
– Mais vous l'avez bien sorti cette lame ?
– Mais… ils étaient deux ! Et ils commençaient à devenir agressifs.
– C'est ce que vous dites devant les policiers : "J'ai eu peur." La petite difficulté, c'est… que vous avez menacé de le couper en deux.
– Ouiiiii, d'une certaine manière… mais c'était que des paroles. Dans la situation présente : deux personnes qui arrivent vers vous avec l'air un peu éméché… Qu'est-ce-que j'aurais dû faire ? »
Malgré sa fatigue, Pierre-Henri garde son calme tout du long de l'interrogatoire. La présidente cherche à le bousculer : « Il est chargé le casier, monsieur, attaque-t-elle. – Ah ! si vous prenez le casier… Mais vous n'êtes pas venu juger un casier, mais une pers… » ose Pierre-Henri avant d'être sèchement coupé par la présidente qui égrène : « vol… usage de stupéfiants… contrefaçon de chèques… Y'en a beaucoup… violence… vol… port d'arme… vol… 24 mentions depuis 1982. Les condamnations sont essentiellement sur Paris… Oh ! il y a aussi Nice et Marseille. »
Pierre-Henri traîne une vieille toxicomanie, même s'il a arrêté l'hero. Hébergé par une asso, il décroche de temps à autre un poste de chef chantier/conducteur d'engin. « Mais… vous travaillez toujours ? s'enquiert la présidente. – Ah ! j'essaie… – Avec votre toxicomanie ? – Ah… j'évite ! »
Le flegme de Pierre-Henri finit par taper sur le système de la proc. Elle demande 10 mois ferme, avec mandat de dépôt, parce qu'« on voit bien qui est à l'origine de la menace dans ce dossier. Et la violence de son comportement s'explique aussi par les substances. »
« La victime dit que monsieur le traite de "sale noir". Mais ce n'est pas possible, lui-même est noir », lance l'avocat de la défense (noir lui aussi). Il rappelle que son client nie les violences, demande la clémence pour la drogue.
Le tribunal relaxe Pierre-Henri pour les violences, mais lui met quatre mois pour le crack et le cutter.