« Vous avez le droit de raconter des histoires au tribunal »

« Vous avez le droit de raconter des histoires au tribunal »

« Vous reconnaissez les faits ? demande la présidente.

Non, répond F., machinalement.

Même pas la détention de cannabis ?

Si.

Ah ! Et la consommation ?

Aussi.

En fait vous niez simplement la vente ?

C’est ça. »

C’est un banal contrôle routier qui amène F. en comparution immédiate. La police qui toque à la vitre, une odeur de cannabis qui se dégage de l’habitacle et une fouille. Résultat : deux sachets de 5 g d’herbe chacun, 600 euros en cash et deux téléphones.

Devant la cour, F., 20 ans, bonne bouille et griffé PSG, a choisi sa défense : en dire le moins possible et laisser passer l’orage. Depuis son box, il reste muet face aux questions du président. Ses rares déclarations ne convainquent personnes.

Les 10 g :

« C'est pour ma consommation personnelle.

Mais vous êtes négatif à toutes les substances ?!

C'est parce que je ne suis pas dépendant. Je fume une fois par mois un ou deux joints.

– Ça pèse combien un ou deux joints à votre avis ? 10 g, c'est votre consommation de l'année ? Vous avez le droit de raconter des histoires au tribunal, mais il en tirera les conséquences. »

Les 600 euros en cash :

« C'est mon salaire d'éducateur sportif. J'ai toujours fait ça avec mon argent. J'aime pas les banques.

Vous avez décidé de répondre de la manière la plus floue possible », coupe la présidente.

Et ces textos qui indiquent des points de livraison :

« J'allais voir des gens.

– Pour faire quoi ?

– Pour les voir.

– Et le nom de ces amis ?

– Je ne connais pas le nom de ceux que je connais.

– Vous savez que votre attitude peut faire penser au tribunal que vous vous moquez de lui. »

F. dans le box (Illustration : Pauline Dartois)

F. dans le box (Illustration : Pauline Dartois)

Le procureur non plus n’a pas aimé le comportement du prévenu. Il pointe « ses mutismes, ses silences et les variations dans ses déclarations », et demande 18 mois de prison, dont huit avec sursis.

« On n'a jamais vu plus violent comme demande. Dix-huit mois à 20 ans, on l'emmène directement à l’abattoir », tempête l’avocat. Il réclame la clémence : « Si mon client n'est pas loquace, c'est parce qu'il a peur. On a peur de la justice quand on a 20 ans », lance-t-il, assez théâtral. Clémence il y aura. F. s’en tire avec six mois de sursis simple. Il va pouvoir rejoindre sa mère, éplorée dans la salle.

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