L’audience a débuté. Félix, 22 ans, s’est levé, l’air interloqué, fébrile. Il a gardé ses mains croisées dans le dos pour écouter la présidente débiter les faits qui l’ont amené dans ce box, et qui lui ont déjà valu deux mois de détention provisoire.
Il circule à scooter un soir d’été, dans le Sud de Paris. Les policiers le repèrent et le suivent. Félix les remarque, accélère et chute. Les policiers le ramassent et trouvent dans ses poches MDMA, cocaïne, cannabis. Dans le dossier, la présidente relève « plusieurs bonbonnes et cinq barrettes. Je vois que le dépistage est négatif, donc vous ne consommez pas. » Elle relève la tête et houspille : « Mais transporter la mort, la vendre, ça ne vous dérange pas ! »
Elle poursuit l’inventaire : « Bon, on découvre également quatre téléphones sur vous. Alors j’ai une question, monsieur : vous avez combien d’oreilles ? – Hein ? – Je vous pose une question : combien d’oreilles avez-vous ? – Euh, deux. – Deux oreilles pour quatre téléphones ? Ça fait trop pour un honnête homme. »
Félix concède tout. Il venait de Vitry-sur-Seine pour livrer les substances qu’un dealer lui avait confiées. Mais la présidente insiste : « Les barrettes dans votre blouson, c’était censé vieillir comme le vin ? Non ? Combien deviez-vous les vendre ? – 350 euros », pour sept barrettes de six grammes. « Et depuis combien temps faisiez-vous cela ? Deux semaines ? Ça, c’est la version pour le tribunal. »
« Enfin, on ne se ballade pas avec un chargeur de Famas ! »
Un objet vient égayer cette triste et banale panoplie d’un dealer falot. « Le chargeur de Famas, qu’est-ce qu’il faisait sur vous ? – J’étais à l’armée avant, j’ai ramené ce chargeur comme un souvenir. – Mais il est chargé, ce chargeur ? – Oui, avec des balles à blanc. – Ha, et qu’est-ce que ça fait, les balles à blanc ? – Bah rien du tout. – Et qu’est-ce que vous comptiez en faire de ce chargeur ? – Ben sans l’arme, on peut rien faire. – Oui, enfin vous conviendrez que c’est étrange tout de même. Enfin, on ne se ballade pas avec un chargeur de Famas ! Pourquoi avez-vous quitté l’armée ? »
Félix explique qu’au début de l’année 2014, il s’est blessé lors d’un exercice. De trop marcher son genou a cédé, et ne s’est pas encore tout a fait remis. « Alors depuis ce temps là, je suis animateur dans un collège (« bel exemple ! » commente la présidente), et puis je vais passer un CAP vente (« pour vendre quoi, du cannabis ? MDMA ? », siffle-t-elle). Pour l’instant je vis chez ma mère, avec mes sœurs. Mais mon souhait est de réintégrer l’armée, le plus tôt possible. » La présidente prend acte. « Bon, mais dans l’intervalle, reprenez votre boulot d’animateur. »
Le procureur requiert 12 mois, dont huit avec sursis et laisse au tribunal le soin d’apprécier la nécessité d’un mandat de dépôt. La défense a mis en exergue le casier vierge de son client, a lié son besoin d’encadrement et ses prétentions militaires : « Le meilleur moyen de le cadrer, c’est l’armée. » Pour cela, il faut que le bulletin n° 2 de son casier soit vierge, et elle demande la non-inscription de ce délit. Et puis Félix, penaud, contrit, honteux, clôt les débats : « J’suis dégoûté. »
« Après en avoir délibéré, le tribunal vous condamne à 12 mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis. Le tribunal ne décerne pas de mandat de dépôt et demande la non-inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de votre casier judiciaire. » Félix est libre.