« Avec la même détermination avec laquelle nous avons pris les armes, nous nous tournons vers la paix. » Pour parler du cessez-le-feu d'ETA, l'un des trois militants de l'organisation indépendantiste basque accepte enfin de répondre à une question du tribunal. Depuis le début du procès, ils se contentaient de lire des communiqués, mais la sérénité du président Olivier Leurent a payé (voir premier article).
« Tout le monde pense le conflit stérile »
La paix au Pays basque occupe beaucoup les débats de la cour d'assises. « Tout le monde pense le conflit stérile », affirme Jakes Bortayrou, militant nationaliste basque actif dans le mouvement pour la paix Bake Bidea. Il rappelle au tribunal la violence des années 1980 pendant lesquelles sont nés les accusés (voir deuxième article), les trêves sans lendemain, les négociations ratées… « Les acteurs sont restés dans une logique d'affrontement », se désole-t-il.
En 2011, sous l'impulsion de la Conférence internationale de paix de Aiete, ETA met fin à son action armée et propose des négociations aux gouvernements français et espagnol : le désarmement de l'organisation contre la démilitarisation du Pays basque. « C'est une situation paradoxale, indique Jakes Bortayrou. Vous ne pouvez pas aller au commissariat, dring ! "On vient déposer les armes." Il faut que ce soit organisé. » Mais les deux États refusent toute discussion : pendant le procès, deux militants sont arrêtés à Biarritz avec un stock d'armes. Dans le camp de la paix, on râle : ces armes devaient être mises hors d'usage.
« La résolution du conflit ne peut être que politique »
« Il manque d'un peu de responsabilité politique, au-delà des discours de fermeté contre le terrorisme », dénonce Jakes Bortayrou. Accusés et témoins citent l'exemple de l'Irlande du Nord et de l'accord du Vendredi saint : libération des prisonniers et reconnaissance des victimes. C'est ce que souhaitent les accusés, après une vie de cavale et de prison : Itziar Plaza Fernandez, 32 ans aujourd'hui, est entrée dans la clandestinité à 21 ans, pour devenir responsable de la gestion des caches d'armes peu avant son arrestation, à 26 ans. Elle veut la paix, mais pas n'importe comment : « La résolution du conflit ne peut être que politique. – …et pas judiciaire, si j'ai bien compris », complète le président Leurent.
Les parties civiles souhaitent revenir aux faits : les tirs contre deux gendarmes (voir deuxième article). Si l'on en juge par leur déplorable plaidoirie, l'avocat de l'Association française des victimes du terrorisme et celui du gendarme blessé semblent découvrir le dossier après deux semaines de procès. Mais Lionel Escoffier, bâtonnier de Draguignan, sauve le coup, revient sur la fusillade, s'émeut du courage des victimes, et lance une pique aux accusés : « L'avocat que je suis ne peut que se satisfaire de vos déclarations de paix, mais l'avocat que je demeure ne peut supporter ces violences ! »
« Ce n'est pas la bonne place pour régler les problèmes du Pays basque »
L'avocat général Julien Eyraud partage son analyse : « On ne juge pas ETA, on juge trois personnes qui ont commis des infractions. » Il s'attaque malgré tout à cette « pseudo-idéologie un peu dépassée » et se lâche sur la défense : « Ce n'est pas la bonne place pour les discours politiques, ni pour régler les problèmes du Pays basque ! » Il demande qu'Iurgi et Asier soient condamnés pour tentative de meurtre aggravé à 15 ans de réclusion criminelle, « une peine juste qui n'aura aucun effet pédagogique sur eux, à part de les enfermer un peu plus dans leurs convictions ». Pour Itziar, il requiert dix ans pour ses responsabilités dans l'organisation.
« Les seuls éléments mis en avant, ce sont les déclarations des gendarmes, alors qu'elles sont contradictoires et évoluent dans le temps », tente maître Clara Rouget Aranibar. La défense essaie de requalifier les tirs sur les gendarmes en violences volontaires. Mais, rappelle l'avocate, la solution est dans la paix : « Le conflit n'a pas pris fin avec le cessez-le-feu d'ETA, parce que le problème est ailleurs. »
En moins de quatre heures de délibéré, les sept magistrats de la cour spécialement constituée donnent leur verdict : 12 ans pour Itziar, 13 ans pour Asier, 15 ans pour Iurgi. Après leur peine, les accusés seront expulsés vers l'Espagne, où les attendent d'autres procès. Leur seul espoir de sortir un jour : la paix. Un premier pas pourrait être franchi une semaine après le verdict : une Conférence humanitaire pour la paix au Pays basque se tient à l'Assemblée nationale le 11 juin.