« Les vols de voiture donnent un indice très précis de la présence d'Euskadi Ta Askatasuna (ETA). » Parole de commandant à la sous-direction anti-terroriste (Sdat). À l'en croire, c'est comme ça que son service piste les membres de l'organisation indépendantiste basque. Ford Focus, Kangoo, Xsara Picasso, Citroën C4, Rover, Seat Ibiza… Des voitures, les trois accusés, Asier Borrero Toribio, Itziar Plaza Fernandez et Iurgi Garitagoitia Salegui, en ont conduites pas mal pendant leurs années de clandestinité en France.
Ils sortaient du MacDo de Mazères-Lezons, près de Pau, lorsqu'ils se sont fait arrêter le 4 juillet 2009. Un policier hors service les avait repérés. Les renforts arrivent vite, trois voitures encerclent celle des etarras, et hop ! Rapide, sans bavure… ou presque : Asier a des marques sur les pommettes. « Lors d'une mise au sol, on ne choisit pas la façon dont l'interpellé tombe », se défend le policier à la barre.
« En tant que combattants basques, nous n'avons à répondre que devant notre peuple »
Devant les assises de Paris, les trois accusés revendiquent leur appartenance à ETA et refusent de s'expliquer. « En tant que combattants basques, nous n'avons à répondre que devant notre peuple », annonce Asier en lisant un texte qu'ils ont écrit. À 30 ans, il a tout du beau rebelle : costaud avec les cheveux longs bruns foncés. Il précise l'engagement du groupe, la résistance de son peuple : « Loin des origines obscures du nationalisme et du patriotisme qui nous avaient presque anéantis, notre identité ne se base pas sur une physionomie et une culture fixe et perpétuelle. Le Pays basque ne se réduit pas à un type d'ADN, ni au fromage, ni au gâteau basques. » « Vous en avez plus dit en dix minutes, qu'en cinq ans d'instruction », tente le président Olivier Leurent pour faire sourire les accusés. Sans succès.
S'ils gardent le silence face au tribunal, les accusés rigolent entre eux. Des proches, famille et amis, ont fait le trajet depuis le Pays basque espagnol pour le procès. Ils se saluent, se sourient, s'interpellent en basque dès qu'ils le peuvent. Certains ont une autorisation pour les visiter en prison, d'autres non, et ne les ont pas vus depuis six ans. À travers les petites ouvertures du box vitré, ils se serrent dans les bras.
L'ambiance est détendue, voire un peu trop pour l'avocat général Julien Eyraud : « Je ne suis pas contre un parloir sauvage de temps en temps, mais pas à chaque suspension », se plaint-il. Avec un sourire, le président Leurent botte en touche, soucieux de préserver – comme à son habitude – le calme des débats : « Le tribunal ne surveille pas ce qui se passe dans la salle lorsqu'il ne siège pas. »
En tout, la police française a retrouvé des empreintes d'Itziar dans une quinzaine de véhicules entre 2005 et 2009. Tous volés. « La quasi totalité des voitures dérobés par des membres présumés d'ETA le sont avec les clés sur le contact. Ça doit être une habitude régionale que j'ignorais », s'amuse le président. Toujours souriant, il identifie le propriétaire de la Citroën C4 volé : Jean Auclair, alors député de la deuxième circonscription de la Creuse, « qui lui aussi, malgré ses responsabilités, laisse ses clés sur le contact ».
« Un brassard de police. C'est un peu étonnant… on trouve rarement ça dans un sac à main de femme »
Le président fouille dans les 54 tomes du dossier pour lister le matériel trouvé dans la voiture des accusés : faux papiers, liste de magasins agricoles, comptabilité, plaques d'immatriculation vierges (ETA en avait volées plusieurs milliers en 2006)… Et des fausses cartes de la Guardia Civil : « C'est pas vraiment l'administration à qui vous vous identifiez le plus, glisse-t-il, taquin. Un brassard de police. C'est un peu étonnant… sauf si on va dans une soirée dansante. On trouve rarement ça dans un sac à main de femme. » On trouve aussi une carte vitale volée, ce qui vaut à Asier d'être accusé de « recel de vol en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste ». Une qualification, malheureusement pour l'instruction, inexistante en droit français…
Asier, comme ses deux camarades, portait une arme lors de son arrestation, mais ne s'en est pas servi. Un revolver Smith & Wesson 38 Special, issu du vol à main armée en 2006 de 400 armes de poing et 59 000 munitions. Un revolver qui a tiré deux balles dans le pare-brise d'un fourgon de gendarmerie le 8 juin 2009, blessant gravement un gendarme.
La suite ici.