Il n’y a personne dans le box des accusés de la cour d’assises du Rhône. Pas âme qui vive, pas d’accusé, pas d’escorte, les micros sont éteints, les bancs vides. Jeudi 10 octobre 2019, l’huissier a installé un micro-cravate sur la chemise d’Hedy Amiour. Parce que l’accusé du meurtre d’Hugo Chouvet est tout de même bien là. Il porte une bague bleue, parfois de la main gauche, parfois de la main droite. Hedy s’est marié le 14 février. Ses cheveux sont peignés tel l’enfant modèle, il est vêtu d’une chemise bleue, sous laquelle on distingue un corps athlétique. L’homme est un sportif : du karaté quand il était plus jeune, de la natation, au moins quelques entraînements de MMA, et puis du cross-fit. Il n’a jamais été condamné, et aujourd’hui, il s’est installé, comme le lui permet la loi, près de son avocat, Me David Metaxas, libre, devant le box des accusés. « Une erreur », dit-on du côté de la partie civile et du ministère public.
D’ailleurs, la justice, par l’intermédiaire de la procureure générale de Lyon, a présenté ses excuses à la famille de la victime. Du droit, rétorque-t-on du côté de la défense. « Monsieur Amiour n’a rien demandé, clarifie Me Metaxas. Il attendait ce débat devant la juge d’instruction. Mais je me suis aperçu que la détention provisoire arrivait à son terme le 2 avril », soit dix jours avant la convocation devant la magistrate, et alors même qu’elle doit être renouvelée régulièrement par un juge de la liberté et de la détention. Alors aujourd’hui, le box des accusés est vide. Et les faits ont à peine été abordés que, déjà, les échanges entre avocats se font rudes. « Nous avons demandé à ce qu'Hedy Amiour soit remis sous écrou, affirme Me Metaxas. Cela a été refusé par la partie civile et le ministère public. » Du côté de la partie civile, ça bouillonne. « Il n’avait tellement pas demandé à être libéré qu’il a demandé au juge d’être mis sous écrou, ironise Me Alain Jakubowicz à l’adresse des jurés. Pour vous, cela veut dire la prison. Mais cela signifiait en réalité un placement sous bracelet électronique, dont la durée aurait été déduite du temps de la peine que vous prononcerez. C’est ça qui lui a été empêché ! » L’avocat général, Vincent Le Pannerer, ajoute : « De toute façon, il n’y a pas de débat à avoir, cette demande était juridiquement irrecevable.
– Donc, insiste Me Metaxas, vous avez refusé la mise sous écrou de mon client ! »
« Une bonne soirée. Jusqu’à ce que ça dégénère »
Un homme est libre, l’autre est mort. Le 1er octobre 2016, les chemins d’Hedy Amiour, 26 ans à l’époque, et d’Hugo Chouvet, 24 ans, se sont croisés dans le huppé 6e arrondissement de Lyon, alors que le jour ne s’était pas encore levé, juste devant l’ancienne gare des Brotteaux, entre le bistroclub F&K et le restaurant Le Splendid, tous les deux séparés d’une centaine de mètres. La veille au soir, Hugo et ses quatre amis, anciennement étudiants en école de commerce, ont dîné à la bien connue Brasserie Georges. C’était l’heure des retrouvailles. « Une bonne table de copains. On discutait entre nous, c’était la fête, la rigolade », raconte Antoine à la barre. Après le dîner, tous vont au F&K. Ils dansent : « Si vous voyiez Hugo danser, lance son amie Chloé à la barre. Si vous entendiez juste son rire… » Les copains consomment de l’alcool, du vin, de la bière, de la vodka, du whisky, « une dizaine de verres » depuis 20 h et jusqu’à 5 h du matin environ. Seul Yohann est « à 100 % » de ses capacités, parce qu’il est sportif et raisonnable en soirée. Les autres ont « l’alcool joyeux », Antoine étant le moins frais des cinq. « Faut dire ce qui est, ma fin de soirée reste floue. » « Aujourd’hui, de quoi vous souvenez-vous ? l’interroge la présidente de la cour d’assises, Marie Salord.
— Pour tout vous dire, d’une bonne soirée. Jusqu’à ce que ça dégénère. »
Dans le groupe d’Hedy, il y a trois garçons et quatre filles. C’est la fin d’une nuit de travail pour cette équipe de serveurs. La fin de la saison aussi. L’un vient d’avoir son permis. Alors ce sont autant de raisons à célébrer tous ensemble. À la fermeture du F&K, ils décident de profiter de cette belle nuit d’automne encore un peu plus. Place Jules-Ferry, ils forment un cercle, certains s’assoient par terre, l’une des filles s’installe sur le capot d’une voiture, ils ont encore des tas « de bons souvenirs de la saison » à se raconter. Eux aussi ont bu, mais personne ne se roule par terre. La nuit est bien avancée, ils sont heureux. À un moment, Hedy décide de rentrer chez lui, il récupère des affaires dans une voiture, dit au revoir à tout le monde et s’en va, à pied. Peu de temps après, Camille s’inquiète : il a bu, « je ne voulais pas le laisser seul ». Elle l’appelle, marche 100 ou 150 mètres pour le rejoindre. Tous les deux restent ensemble un petit moment.
« J’ai cru qu’il allait m’arriver des problèmes »
Dans le même temps, Hugo et son groupe sortent du F&K. Ils arrivent à hauteur des copains d’Hedy encore présents. Sébastien a rencontré une fille ce soir, il laisse les clés de chez lui à Hugo et à sa bande, et il s’éloigne, avec d’autres projets en tête pour le reste de la nuit. Antoine, lui, s’est saisi d’un potelet en fonte décelé du sol. D’humeur badine, il s’amuse avec. « Je voulais simplement faire rire mes camarades », se souvient-il aujourd’hui à la barre. Face à lui, Alexandre, le manager de l’équipe d’Hedy, le plus âgé de tous aussi, le regarde faire et s’exclame : « Passe ton chemin, Vercingétorix ! » Antoine fait tomber le potelet devant le groupe d’Hedy. « J’ai trouvé qu’il en faisait un petit peu trop, témoigne Alexandre devant la cour d’assises. Dans son regard, j’ai vu quelqu’un de bizarre, de froid. » Malgré l’alcool, Antoine comprend qu’Alexandre n’a pas apprécié. « Je me suis senti… Comment dire… J’ai cru qu’il allait m’arriver des problèmes. » Alors il prend peur, bouscule Alexandre qui tombe sur l’une des filles du groupe d’Hedy qui, elle, fond en larmes. « Je me suis retrouvé face à quelqu’un qui m’intimidait, je me suis échappé en courant, et je me suis perdu dans Lyon. »
« Alexandre dit que vous lui auriez donné une gifle, rapporte la présidente.
— C’est sa version à lui. Moi j’ai pris peur, je l’ai bousculé, je suis parti en courant. »
Me Jakubowicz poursuit : « Vous ne prétendez pas que cet homme, Alexandre, vous est tombé dessus, qu’il vous a agressé ?
— Non, pas du tout.
— À ce moment-là, vous avez une impression, c’est bien cela ?
— Voilà. Je me suis senti rabaissé.
— Bien. Donc votre réaction, c’est “courage, fuyons !” ? »
Presque timidement, Antoine se justifie : « Je ne suis pas un bagarreur. »
« Tout part de cette histoire de potelet, reprend Me Jakubowicz. Comment vous analysez les choses aujourd’hui ?
— Au départ, je culpabilisais : si je n’avais pas ramassé ce potelet… Mais en fait, qu’est-ce que j’ai à me reprocher ? J’ai été menaçant ? Non. J’ai été agressif ? Non. Violent ? Je ne crois pas. Effectivement, si je n’avais pas ramassé ce potelet, peut-être que tout ça ne se serait pas passé, peut-être qu’Hugo serait toujours là. Mais je dis bien peut-être…
— Sébastien nous a dit tout à l’heure que s’il n’avait pas rencontré une fille ce soir-là, ce ne serait pas arrivé. Vous, vous nous dites que si vous n'aviez pas ramassé ce potelet, ce ne serait peut-être pas arrivé. Mais vous n’avez rien à vous reprocher… »
Du côté de la défense, Me Metaxas n’est pas tout à fait du même avis. « Monsieur, vous déposez sous serment… répète l’avocat avec force. Vous trouvez normal de vous saisir d’un potelet à 6 h du matin ?
— Tant que ce n’est pas un danger pour les autres, je ne vois pas le problème.
— Cette scène, vous ne vous en souvenez pas, vous étiez tellement alcoolisé. Quelqu’un vous a fait une réflexion “Passe ton chemin, Vercingétorix !” et c’est avec cette réflexion que vous vous êtes senti rabaissé ?
— C’est ce que j’ai ressenti, oui.
— Mais s’il n’y a pas d’emprise physique entre vous et Alexandre, comment vous expliquez qu’il trébuche ?
— Je ne sais pas. »
« Il était comme un justicier »
Tout de suite après son départ, ses amis s’excusent auprès du groupe d’Hedy, s’assurent que la jeune fille qui est tombée va bien : pardonnez-le, Antoine a bu, il n’a pas les idées claires. Les esprits s’échauffent légèrement, puis se calment. Hedy et Camille reviennent à ce moment-là. Le jeune garçon voit au loin son amie toujours à terre, en larmes, et de l’agitation autour. « Qu’est-ce qui se passe ? » Il sort son couteau, qu’il a dans son sac à dos. « Donc vous sortez votre couteau avant de savoir ce qui se passe ? » La question de Me Jakubowicz est aussi affirmative qu’interrogative. « Non, répond Hedy. Je voyais mon amie par terre. Je ne connaissais pas la nature exacte de l’altercation, mais je savais qu’il se passait quelque chose. »
Quand Hedy s’approche avec son couteau, « ça refroidit clairement tout le monde », se rappelle Yohann, celui qui n’a pas bu. Les deux groupes font du sur-place ; du côté des amis d’Hedy, les filles tentent de calmer la situation, mais pas les garçons selon les proches d’Hugo. « Eux, ils nous haranguaient tout le temps, raconte Yohann. J’ai essayé de mettre au courant tout le monde, qu’il y avait un gars avec un couteau. » Quand il est entendu par les enquêteurs juste après les faits, il explique qu’Hedy était « surexcité et à moitié fou », « ça se voyait dans ses yeux », et « il venait de nulle part ». « Il tenait très bien sur ses jambes, ajoute-t-il à la barre, en faisant référence à son alcoolisation. Il était présent et savait ce qu’il faisait. Ce qui fait encore plus peur, c’est encore moins rassurant. Il était comme un justicier. Il voulait régler un problème qui n’existait pas. » Alors Yohann s’en va, suivi quelques mètres plus loin par Hugo et Thomas, le troisième ami du groupe encore présent. « Quand il a sorti son couteau, je me suis vraiment rendu compte de la situation, se revoit ce dernier. La seule chose à faire était de partir, parce que tout le monde était en danger. » Derrière eux, ils entendent « Et surtout ne vous retournez pas ! ».
« Qui l’a prononcée cette phrase ? demande l’avocat général à Yohann.
— Impossible de vous dire, on était beaucoup trop loin. »
Me Metaxas repart alors à l’attaque. « Moi, ce qui m’intéresse, c’est de savoir qui a frappé Hedy d’un coup de poing.
— A aucun moment je dis qu’il s’est fait frapper, conteste Yohann. Je suis même certain qu’il n’a pas été frappé.
— Sauf qu’il a un hématome. »
Me Jakubowicz se fâche : « Ce n’est pas un hématome, commencez pas ! » « Ah, ça agace ! » constate Me Metaxas, avant la venue de l’expert parlant « d’ecchymose peu marqué sur la joue » d’Hedy Amiour. L'avocat poursuit : « Finalement, vous vous êtes retrouvé emmené dans une scène de crime sans savoir pourquoi ?
— Pour moi, il n’y avait aucune raison de sortir un couteau. À ce moment-là, on part, on quitte les lieux, et je ne comprends pas pourquoi cette phrase, “Et surtout ne vous retournez pas !” arrive. C’est une provocation. »
Avec son petit gabarit d’1,70 m et de 62 kg (et non 90 kg, comme précisé dans le rapport de l’expert légiste. Il avait alors été pesé… avec son brancard), Hugo se retourne et répond, les index en direction du ciel : « Et qu’est-ce que tu vas me faire ? » Hedy et Alexandre foncent sur lui et sur Thomas, qui se prend une gifle de la part d’Alexandre qui ne voulait pas « faire dans le détail, pour qu’ils s’en aillent tous ». Hedy, lui, plante une fois son couteau et sa lame de dix cm de long dans l’abdomen d’Hugo.
« À quel autre moment le coup de couteau aurait pu être porté ? » s’assure Me Jakubowicz près d’Alexandre, alors que l’accusé évoque pour la première fois à l’audience la possibilité que le coup ait pu être porté avant la course-poursuite.
— Ah pour moi, il n’y a pas d’autre moment possible.
— Bien ! »
« Agressif ou pas agressif ? »
Shayana, elle, était dans le groupe d’Hedy. Lors de la reconstitution de cette affaire avec les différentes parties au procès, elle n’était pas présente, ni aucun des autres témoins de cette soirée, ils n’y avaient pas été conviés. Mais devant la cour et les jurés, elle reconnaît qu’il n’y a pas eu « de coup porté, ni d’injure ». « Il n’y avait pas d’agressivité de la part de l’autre groupe, mais nous nous sommes sentis en danger parce que l’un avait un potelet à la main. » Mal à l’aise à la barre, elle raconte que les deux parties essayaient de faire revenir le calme, et fait part de sa « surprise » aussi de voir revenir Hedy, plutôt agité. Dans ses auditions devant les enquêteurs, Shayana rapporte des propos du mis en cause : après le coup de couteau, « à trois reprises, il a dit “Il a dû bien la sentir passer celle-là” », et « on aurait dit qu’il était fier, après avoir rendu la monnaie de sa pièce ».
« Est-ce que Hugo Chouvet était agressif ? l’interroge Me Jakubowicz.
— Non, il n’a pas été agressif du tout.
— Est-ce que quelqu’un a été agressif ?
— Non.
— Vous avez vu des coups être échangés ?
— Non, aucun. »
L’avocat général avance une hypothèse : *« Vous dites dans une audition qu’Antoine a mis un genou à terre et a lâché le potelet. Est-ce qu’il n’a pas voulu mimer Vercingétorix rendant les armes ? Il aurait voulu faire quelque chose de rigolo et c’est finalement tombé à côté ?
*
— Je n’imaginais pas quelque chose comme ça. »
Le magistrat poursuit : « Hedy Amiour était-il ivre mort, comme il l’a dit lors de sa deuxième audition devant les enquêteurs ?
— Non. On était tous ivres.
— Mais pas au point de se rouler par terre ?
— Non. »
Me Metaxas se lève à son tour et explique relire l’audition de Shayana le 1er octobre au matin. « “Un jeune homme complètement ivre qui s’est emparé d’une barre de fer”, il “jette” la barre de fer vers vous. C’est agressif ou pas agressif ?
— Avec les mots que vous employez, oui, c’est agressif.
— Non, ce ne sont pas mes mots, ce sont les vôtres. “Un jeune homme qui voulait en découdre”, c’est agressif ou pas agressif ?
— Agressif.
— “Il a bousculé le groupe” : agressif ou pas agressif ?
— Agressif.
— Votre amie est “tombée au sol” : agressif ou pas agressif ?
— Agressif.
— Alexandre a commencé à s’énerver suite à ces faits. Madame, avez-vous été agressée par cette barre de fer qu’Antoine tenait et qu’il a jeté en votre direction ? »
Silence. Puis Shayana reprend : « Au moment des faits, on se sentait agressé, on a juste eu peur.
— Pourquoi vous dites tout à l’heure que la première scène n’est pas agressive ?
— Parce que les faits remontent à trois ans, on a fait notre vie depuis.
— Je comprends. Dois-je donc tenir compte de votre audition 2 h 30 après les faits ou celle que vous faites devant cette cour d’assises aujourd’hui ?
— Mes souvenirs étaient plus frais le jour des faits. »
Pour la jeune femme, ce passage à la barre est une torture. L’avocat poursuit : « “Il a dû la sentir passer” *: est-ce pour vous une phrase qui signifie un meurtre ?
— Non.
— Cela veut dire qu’Hugo Chouvet a dû sentir ce coup passer ?
— Oui. »
Voyant la situation s’inverser, Me Jakubowicz reprend la parole : « Ce n’est pas possible de procéder ainsi. Trois jours après les faits, vous avez été interrogée par les policiers sur ce geste avec le potelet et vous avez dit “Il l’a lâché, il l’a laissé tomber par terre, mais il ne l’a pas jeté”. Mon confrère a très bien fait son travail mais on n’est pas dans une compétition, on est dans une recherche de vérité. »
« J’ai dit que le coup avait été réflexe, mais jamais qu’il avait été léger »
« Monsieur Amiour… » Il se lève, à la demande de la présidente. Il allume son micro-cravate, délicatement. Réajuste sa chemise, éclaircit sa voix. Cette fois, c’est à lui de s’expliquer plus longuement. L’alcool d’abord. « C’est honteux à dire, mais j’ai eu un comportement d’ivrogne, là-bas. Je ne me suis pas contenté de mes consommations, mais aussi des consommations des autres. » Puis, plus tard : « Bien entendu qu’on ne peut pas dire que j’étais ivre mort, parce que j’étais debout. » Encore après, Me Jakubowicz l’interroge : « Vous êtes très précis lors de votre première audition : vous avez bu une coupe de champagne, deux verres de rhum, du jus de fruit et un shot entre 1 h et 5 h du matin. Vous avez oublié des choses ?
— Oui.
— C’est votre droit. Mais la quasi-totalité des gens présents, vos amis, disent “il n’était pas ivre”. Les policiers vous interpellent une heure après les faits : “Il n’était pas ivre.” Votre conversation par téléphone avec le 17 avant votre interpellation : ce ne sont pas les mots d’un homme ivre. L’alcool a un petit peu bon dos, non ? »
Hedy se justifie en disant qu’il était à plus de 1 gramme. « Non, non, non. ça c’est le dossier : vous êtes toujours sous 1 gramme », conteste l’avocat. « Aviez-vous consommé des stupéfiants ce soir-là ?
— Non, Maître. »
L’enquête n’a pu le déterminer, aucune analyse n’ayant été réalisée, puisque le mis en cause n’avait eu par le passé « aucun antécédent judiciaire en matière de stupéfiants ».
Le couteau ensuite, pour lequel « il n’y a pas besoin d’enlever la sécurité » avant de l’utiliser, selon Hedy. « Quand mon ami me l’a offert, j’ai bien vu qu’il était un peu défectueux. Sa sécurité s’enlève toute seule » en secouant le sac, dans lequel il était « depuis à peu près une semaine ». Hedy explique devant la cour d’assises qu’il en avait besoin pour se protéger parce qu’il lui est arrivé « d’avoir des sommes très très conséquentes » sur lui. Mais « je n’ai jamais eu à le sortir de mon sac pour dissuader des gens ».
« Comment on dissuade avec un couteau ? demande Me Jakubowicz.
— On le montre.
— Et la bombe lacrymogène, vous n’y avez jamais pensé ?
— La bombe lacrymogène, on peut l’utiliser. Moi je veux seulement dissuader. »
Le coup, enfin. « Quand moi j’ai pris un coup, j’ai donné un coup réflexe et il n’y avait pas d’intention. Je ne peux même pas vous dire que quelque chose m’a traversé la tête, parce que rien du tout. Je n’ai pas choisi Hugo en particulier. Ce n’est pas un choix délibéré. Je ne l’ai pas visé lui intentionnellement. Je ne visais pas. C’était pas une cible. »
« Le coup, il est violent ? demande Me Jakubowicz. C’est là le moment de vérité, Monsieur, pour vous et pour les parties civiles. Le coup, il est violent ?
— Vous savez Maître, j’ai dit que le coup avait été réflexe, mais jamais qu’il avait été léger.
— Le coup a-t-il été violent ? »
Silence de l’accusé, le regard fixe vers son interlocuteur. « C’est dur de le dire… » regrette l’avocat.
« Vous parlez de mouvement réflexe, reprend l’avocat général. Donc de quelque chose auquel vous n’avez pas réfléchi, qui est parti tout seul comme vous dites. Mais ce coup n’est en fait pas parti tout seul.
— Je vous l’ai dit, quand je suis arrivé, j’ai pris un coup, et j’ai porté un coup à la personne qui était en face de moi.
— Vous donnez un coup sur la première personne qui se trouve en face de vous ?
— Non, pas la première.
— Bah si, c’est un peu ce que vous dites. »
Le magistrat s’agace de ces nouvelles versions à l’audience. « J’ai vraiment l’impression que vous manoeuvrez pour trouver quelque chose qui collera à peu près.
— Non, je cherche aussi la vérité. »
« Il y a une question qui ne vous a jamais été posée de l’autre côté de la barre, lance Me Metaxas à son client : aviez-vous l’intention de tuer Hugo Chouvet ?
— Non, je n’ai jamais eu l’intention de le tuer.
— Vous concevez que ce geste, même réflexe, peut être constitutif de violences avec arme ?
— Oui, on me l’avait dit.
— Pourquoi il y a eu des changements de qualification dans les heures qui ont suivi les faits ?
— La qualification a évolué en tentative d’homicide parce que le pronostic vital d’Hugo était engagé.
— Et pourquoi la qualification choisie ensuite a été celle de meurtre ?
— Parce qu’Hugo est décédé.
— Est-ce que vous aviez fait des déclarations changeantes au cours de ces auditions ?
— Non. »
Mardi 15 octobre, l’avocat général, Vincent Le Pannerer, a requis 13 ans de réclusion criminelle pour meurtre. Hedy Amiour a été condamné au début d’une nouvelle soirée d’automne, un peu plus de trois ans après la mort d’Hugo Chouvet, à 15 ans de réclusion. Dès la fin de l’audience, son avocat a annoncé vouloir faire appel.