Cette chronique a été intialement publiée dans la revue Sang-froid.
La défense et la procureure se chicanent sur la procédure. Le premier : « On n’a pas prévenu la défense du défèrement de mon client ! Il s’est passé quatre heures entre la fin de la garde à vue et son arrivée au dépôt ! » La seconde : « Son avocat, il l’a vu en garde à vue ! Quatre heures, c’est un délai normal, les policiers manquent de véhicules ! » Adam, depuis son box, contemple la bataille avec amusement – en témoigne le rictus d’hilarité réprimée qui lui tord la bouche.
La police l’a contrôlé sur son scooter et a trouvé huit bonbonnes de cocaïne. En détention provisoire depuis, Adam répond a minima aux questions du président : « On m’a demandé de livrer, alors, moi, j’ai livré ! » ; « Je gagne 80 euros pour la tournée de livraison » ; « Pourquoi je fais ça ? Baaah », et il se marre. « Vous avez déjà été condamné à quatre reprises pour des faits similaires, qu’en pensez-vous ? » Silence. Adam, pour sortir de prison, a fourni un certificat de travail.
La procureure se lève avec fracas : « C’est incroyable le nombre de personnes en détention provisoire qui obtiennent rapidement un contrat de travail ! Il est signé par votre frère, société de livraison de marchandises, comme d’habitude ! » Elle brandit sa fiche pénale : « Il est sous deux mises à l’épreuve et a une peine ferme en cours d’aménagement ! »
« Je rêve de Monaco, qui pratique la répression indulgente »
Retour aux faits : « Il a quatre téléphones et deux cartes SIM, personne n’a ça, jamais, nulle part ! » Et puis : « Un autre téléphone chez lui, tous sous un faux nom, et ces téléphones communiquent avec d’autres téléphones sous un faux nom. » Elle achève, retentissante : « Je requiers trois ans ferme ! Vous savez, monsieur, on peut faire autre chose que dealer comme métier ! »
L’avocat a bondi, il est à vif. « C’est simple, madame la procureure, si vous avez quelque chose à dire sur le contrat de travail, il faut le prouver ! » Il s’étouffe sur la peine demandée : « Si madame la procureure veut mettre trois ans pour ça, alors il faut mettre perpétuité pour de l’importation ! Des jeunes avec 8 g sur un scooter, il y en a des centaines chaque soir dans Paris ! » Mine de rien, le voilà qui négocie la peine à la baisse : « Je rêve de Monaco, qui pratique la répression indulgente : de la prison très souvent, pour des petits délits, mais quelques jours ! C’est très efficace ! » Entre trois jours et trois ans, le tribunal tranche : huit mois ferme.