« Moi j’ai rien fait, pourquoi je donnerais mes empreintes ? »

« Le tribunal ne sait pas qui il juge », se désole la présidente de la chambre des comparutions immédiates. Dans le box, un trentenaire en tee-shirt noir, barbe de trois jours, comparaît pour le vol d’un téléphone et le recel d'un pass Navigo. Des délits presque accessoires. Plus grave aux yeux du tribunal : son refus de se livrer à la prise d'empreintes digitales. Impossible donc de vérifier son identité. A-t-il un casier ? Est-il en récidive ? Pour ce refus, celui qui dit s'appeler Belhaoud risque jusqu'à un an de prison et 15 000 euros d'amende.

Le prévenu clame ne pas comprendre le français et souhaite un interprète. Une belle brèche dans laquelle s'engouffre l’avocate, qui s'empresse de soulever la nullité de la procédure : son client n’a pas eu d’interprète en garde à vue. La procureure ne l'entend pas de cette oreille : « Je n'ai pas constaté qu'il ne comprenait rien. Même si je parlais lentement. »

« Pourquoi refuser d’être signalisé ? demande la présidente

Moi j’ai rien fait, pourquoi je donnerais mes empreintes ? » répond le prévenu, par le biais de son interprète.

« La caméra c’est pas une preuve »

Des policiers en surveillance à La Chapelle grillent Belhaoud suivre une jeune femme avant de lui subtiliser son téléphone. Devant le tribunal, il s'offusque : « Ils m'ont pas interpellé dans le cadre d'un flagrant délit, j'étais en train de boire un café en terrasse. Pourquoi ils m'ont pas interpellé tout de suite s'ils m'ont vu voler ? » En garde à vue, il prétend avoir acheté le téléphone à Barbès quelques minutes avant son arrestation. La présidente se penche sur ses dépositions :

« Les policiers vous montrent une vidéo sur laquelle on vous voit la suivre, puis mettre une main dans sa poche. Vous avez dit : "Oui, au début de la vidéo, c'est bien moi. Après, c'est pas moi, j'étais déjà parti. La caméra c'est pas une preuve."

Comment je pourrais dire oui aux policiers et puis après non ?!

Après vous avez dit : "Je vous parlerai pas. Je m’expliquerai devant le juge à Cité." Vous êtes déjà venu ?

Non, répond-t-il un peu hésitant.

Pourtant, tout le monde ne sait pas que le Palais de Justice se trouve sur l’île de la Cité ! » conclut la juge, contente de son effet.

« La société veut se débarrasser de monsieur »

« On comprend les dénégations de monsieur. Selon lui, on ne peut être coupable que si on est pris en flagrant délit. » La procureure n’est pas d’humeur. Et décide de taper fort. Pour le vol et le recel, elle demande six mois ferme. Pour le refus de prélèvements signalétiques : un an ferme, car selon elle, Belhaoud, « c'est bien quelqu'un qui connaît le tribunal, qui a déjà été condamné ». Et le tout, avec mandat de dépôt.

« La société veut se débarrasser de Monsieur ! argue l’avocate. Il a un casier vierge, donc 18 mois avec mandat de dépôt pour une première peine, c’est un peu sévère. » Après une courte plaidoirie, elle en appelle à la sagesse des juges. Le tribunal délibère puis rejette la nullité, et condamne Belhaoud à six mois ferme avec mandat de dépôt. Ce dernier se lève et remercie chaleureusement son avocate, avant de se faire escorter par un gendarme.

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