Cette chronique a été initialement publiée dans la revue Sang-froid.
Samuel, piéton un brin nerveux, prend ombrage d’un coup de klaxon intempestif. « Vous lui avez fait une remarque, et là, vous dites qu’il vous aurait traité de sale juif avant de partir », rapporte la présidente des comparutions immédiates de Paris. Samuel, chétif quinquagénaire désormais prévenu, opine nerveusement.
Deuxième acte. Rue des rosiers, Samuel aperçoit le même véhicule. Les caméras de surveillance racontent la suite : Samuel se jette sur le véhicule, crève un pneu et tente d’ouvrir la porte, puis plonge dans l’habitacle. Là, il saisit une massette, frappe la victime sur les mains, casse le levier de vitesse, brise le rétroviseur, envoie dans sa fureur une multitude de coups. « Je vais te montrer moi, le "sale juif" ! » Le boucher du coin, témoin, raconte : « Il n’arrêtait pas de proférer des insultes ! » La victime présente plusieurs contusions et deux jours d’ITT. Elle conteste avoir tenu ce propos antisémite. « Je lui ai dit : "Tu es un sulfureux, tu es comme une femme juive, tu hurles" », a-t-il tenu à rectifier devant les policiers – car il est absent à l’audience.
Le prévenu présente les choses comme une réaction proportionnée à une agression antisémite, mais le déroulement des faits ne joue pas en sa faveur. Alors il se justifie : « Je suis juif, parti de Tunisie à 14 ans, j’ai vu des synagogues brûler. On est tous sous tension, j’ai réagi par la peur et la peur fait faire n’importe quoi. » « Vous êtes aussi quelqu’un de violent, Monsieur ! » ajoute la présidente. « Je fais 52 kg, lui (la victime) en fait 90, je suis un bébé à côté de lui ! » se défend-il. On lui fait remarquer qu’il est suivi pour des problèmes de comportement. « J’aboie, mais je ne mords pas ! » nuance-t-il.
Invalide depuis sept ans à cause de problèmes respiratoires, Samuel vit chez sa mère de 96 ans, impotente. Il présente quatre condamnations, dont deux pour des menaces de mort et injures en raison de l’appartenance à une race, une religion – et la dernière date de 2017. « Même votre frère dit que vous êtes violent et colérique », s’inquiète la présidente. La procureure requiert cinq mois de sursis avec mise à l’épreuve : « On a l’impression qu’en substance il reconnaît les faits, mais pas la culpabilité. » La défense n’est pas en désaccord, le tribunal entérine.