« Main de fer dans gant de velours »

« Main de fer dans gant de velours »

Cette chronique a été intialement publiée dans la revue Sang-froid.


les deux videurs dans le box

Les deux videurs, farouchement impassibles, rejettent la faute sur les plaignants. Dessin : Christelle Goth.

Le président prend un air las : « Voilà comment cette affaire démarre : le 27 mai, deux individus se présentent à la discothèque Wanderlust, quai d’Austerlitz, ils sont éconduits par les portiers, se montrent insistant, la mayonnaise va monter, ça se moleste, coups de pieds, coups de poings. Résultat : 30 jours d’ITT pour l’un, 15 jours pour l’autre. Monsieur, vous pouvez parler ? » Olivier, la trentaine, a la machoire et le nez cassés. Il se pointe à la barre, et marmonne des phrases que personne n’entend, sauf le président qui opine gravement. Natacha, témoin impartiale, a vu « ce jeune homme recroquevillé, criant encore de peur alors que les deux qui le frappaient étaient partis. » Elle le rassure. Une autre fêtarde, infirmière de profession, a le temps de prendre son poul : il s’évanouit.

Son grand frère, Christophe, moins amoché mais vraiment choqué, prend le relais à la barre : « J’ai pris un coup de lacrymo, et le temps de reprendre mes esprits, j’ai vu mon frère étalé dans le caniveau - Qui a utilisé la bombe lacrymo ? - Le monsieur de gauche », désigne-t-il. Abou, 27 ans, reste impassible. Le portier, employé par l'agence de sécurité « Main de fer dans gant de velours », nie très calmement avoir usé de sa bombe. C’est Samir, l’autre balèze qui partage son box, qui a aspergé d’abord Olivier, puis le grand frère. « Je l’asperge car il a mis sa main à sa poche, j’ai pensé que ça pouvait être une arme, mais c’était une bouteille de vodka, que j’ai remis aux policiers. » Voici un point qui pose problème : les policiers n’ont relevé aucune empreinte sur l’objet, aucun témoin n’a vu cette bouteille brandie, et les victimes ont les yeux comme des billes à l’évocation de la vodka.

Il reconnaît : il a frappé Olivier. « Pour me défendre, je n’ai pas eu le choix, c’était menaces et compagnie. » Puis : « Le deuxième est venu menacer tout le monde avec un tesson, il s’est dirigé vers une autre entrée, je l’ai rattrapé, on s’est battus », explique Samir. Abou intervient : Christophe est roué de coups.

La procureure bondit : « C’est sans doute l’une des affaires les plus graves inscrite au rôle d’aujourd’hui ! » Il manque à une éventuelle légitime défense, la proportionnalité de la riposte. Elle demande 15 mois, dont 5 de sursis avec mise à l’épreuve (obligation de soin, de travail), et un mandat de dépôt pour la partie ferme.

Aboukader n’a pas de casier, ni même une garde à vue à son passif. Samir a été condamné deux fois, il y a plus de 15 ans. La défense plaide la légitime défense (par principe), et insiste sur les responsabilités familiales des deux prévenus, qui ont des enfants à élever. Les deux baraqués restent placides. Ils sont condamnés à la peine requise, mais échappent au mandat de dépôt.

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