C’est une habitude qu’une femme peut prendre sans s’en rendre compte. Avant même de comprendre qu’elle est femme parfois. Quand on quitte seule une soirée, on l’annonce. Moins par politesse que par prudence. Ça ne dure pas longtemps, on ne veut pas casser l’ambiance. Puis on rentre à la hâte. On veut arriver vite chez soi. On est tranquille chez soi.
Lucie Beydon a eu son premier chez elle le 20 août 2004. C’est un studio dans le centre-ville de Rennes. Comme beaucoup d’appartements du centre historique, il est sûrement un peu humide, le sol penche et il faut grimper plusieurs volées de marches qui n’en sont plus tout à fait. L’étudiante a emménagé au 3e et dernier étage, tout en haut de l’escalier, si étroit, que son sommier ne franchit pas le 2e étage.
Le vendredi 3 septembre 2004, elle passe la soirée avec des amis, boulevard de la Liberté. Vers 23 h, Lucie fatigue, elle veut rentrer. Ses amis lui suggèrent de passer sous les arcades de la Poste, et de traverser République pour rejoindre la place de la Mairie. Puis, elle n’aurait qu’à tourner, emprunter la rue Saint-Georges pour déboucher sur la rue Gambetta.
Au n° 13, la grille est toujours ouverte, l’interphone est en rade, la porte cochère de l’immeuble ne clanche pas. C’est un beau week-end. Tous les voisins sont partis. Lucie monte là-haut, où il n’y a plus de lumière depuis des semaines. Elle verrouille sa porte, avant de filer prendre une douche. Puis elle se met à lire sur son matelas, calée contre les coussins cousus par sa mère, Marie-Christine.
Deux jours plus tard, celle-ci contacte les pompiers depuis Brest. Elle s’inquiète, car sa fille ne lui a pas donné de nouvelles depuis l’avant-veille et ça ne lui ressemble pas. Les secours font sauter le verrou et retrouvent Lucie allongée sur le dos, quasiment dénudée, le corps recouvert de plaies et de lésions sanglantes. Lucie Beydon aurait eu 34 ans le 6 novembre dernier.
« La douleur, c’est trop intime »
« Chaque 25 novembre, on avait l’habitude de rendre hommage aux femmes victimes de violence. Parmi elles depuis 13 ans, il y a désormais Lucie. » Marie-Christine Beydon s’interdit de pleurer – « La douleur, c’est trop intime » – face à la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine à Rennes, ce 22 novembre 2017. Soit « 4 827 jours » exactement depuis le meurtre de sa fille a-t-elle compté.
C’est le deuxième jour du procès de Nicolas Le Bouch, un Briochin de 40 ans. Il est accusé d’avoir tenté de violer et d’avoir tué Lucie Beydon à coups de couteau. Le quadra se tient la tête basse dans le box. Il a plaqué ses mains, les doigts écartés, contre ses tempes. Juste au-dessus de ses oreilles. Comme pour filtrer la voix de Marie-Christine Beydon. Mais sa souffrance résonnerait même sans micro. Même 4 827 jours après.
Si le procès a eu lieu si longtemps après les faits, c’est que Nicolas Le Bouch a cavalé. À l’époque, en 2004, il est cuisinier dans une pizzeria de la rue Saint-Georges, tout près de chez Lucie Beydon. Il travaille beaucoup, « six jours sur sept voire sept jours sur sept ». Pas d'amis, juste des « relations de bars ». Comme son père avant lui, Nicolas boit beaucoup. Quand il arrête, c’est qu’il est en prison. « Ça a toujours été comme ça. »
Il regarde aussi beaucoup de pornos. Nicolas a vu son premier film du genre à 14 ans. « Étant petit, je regardais des films chez des copains comme ça et après c’est devenu plus personnel. » Plus habituel aussi. « Fallait que j’en regarde tous les jours presque. » Le soir du 4 septembre 2004, après avoir passé l’après-midi au bar et bu une quinzaine de bières, il fait fonctionner le magnétoscope.
« Un mode opératoire particulier »
Puis une « pulsion » l’a pris et il est « sorti se masturber ». Une autre habitude de Nicolas Le Bouch. L’idée n’étant pas de s’exhiber devant tout le monde. Mais devant une femme, à l’abri des regards. Et pour cela, il a mis en place un « mode opératoire particulier », que Frédéric Digne, le président de la cour, s’emploie à lui faire détailler.
« Vous alliez frapper chez des jeunes femmes, parfois en repérant les noms sur les boîtes aux lettres, c’est ça ?
– Je frappais, j’attendais et je disais "pardon excusez-moi, je me suis trompé". Si c’était une femme, j’attendais 20-30 secondes, je revenais et là je m’exhibais, détaille l'accusé, de sa voix nasillarde.
– Avec quelques cas où les choses ne se sont pas bien passées… avance le président.
– C’est déjà arrivé que la personne m’attrape, m’agrippe, appelle la police… j’ai pu porter des coups.
– Et c’est déjà allé au-delà de l’exhibition ?
– J’ai pris la main d’une fille une fois. »
L’avocat général, Martial Guillois, du reste plutôt silencieux, bondit : « C’est une agression sexuelle ! »
« C’est rare qu’une procédure compte autant de faits »
Nicolas Le Bouch a d’ailleurs été condamné à deux ans de prison dont 1 an et 8 mois de sursis avec mise à l’épreuve pendant 3 ans pour 29 faits d’exhibition sexuelle et deux faits d’agression sexuelle commis entre 2001 et 2002, surtout dans le centre historique de Rennes et de jour, sans arme. « C’est rare qu’une procédure compte autant de faits », commente Frédéric Digne, avant de relever la date de la condamnation du tribunal correctionnel de Rennes : le 4 octobre 2004.
Pile un mois avant, le cuistot, sous contrôle judiciaire, se retrouve donc en ville, un couteau en poche « pour se défendre ». Il erre à gauche, à droite dans la nuit, avant d’arriver devant l’immeuble de Lucie Beydon. Nicolas Le Bouch raconte la scène dans un silence de plomb au premier jour de son procès : « C’est ouvert, je monte jusqu’à tout en haut. J’ai entendu un bruit. J’ai déplié le couteau, pensant que c’était un homme. Et après j’ai voulu rentrer, j’ai mis le pied contre la porte. Je crois que je lui ai demandé de me masturber, elle m’a repoussé et je crois que c’est là que le tee-shirt s’est soulevé et que le couteau est rentré dans son ventre après. J’ai relevé le tee-shirt pour voir le trou qu’y’vait. Après j’étais à genoux et j’ai mis des coups. »
Vingt-cinq coups de couteau au moins. « 7 + 4 = 11 ; + 8 = 19 ; + 6 = 25 », dénombre Mariannick Le Gueut, professeure de médecine légale. Selon son rapport d’autopsie, la thèse de Nicolas Le Bouch — des coups désordonnés, donnés dans la panique — ne tient pas face aux constatations scientifiques. « Peut-être un coup inaugural au niveau abdominal », accorde la légiste.
« Rentré ? Comment ça ? »
L’avocat général questionne l’experte en reprenant les mots de l’accusé, qui dit « que le couteau est rentré accidentellement dans le corps de Lucie. Qu’en pensez-vous ?
– « Rentré ? » Comment ça ? répète Pr. Le Gueut. Une fois ?
– Oui, acquiesce l’homme en rouge.
– Oui. Non, objecte Mariannick Le Gueut, sur un ton catégorique. D’autant qu’il n’y a pas eu qu’un coup. Il aurait d’abord fallu qu’elle s’embroche elle-même sur le couteau, pourquoi pas. Mais il n’y en a pas eu qu’un. »
L’arme n’a pas été retrouvée. Nicolas Le Bouch l’a jetée après avoir pris soin de verrouiller la porte, d’emporter les coussins et le paréo de l’étudiante et de disparaître. Après le meurtre, un dealer antillais « marginal », passé au domicile de la victime deux jours avant sa mort, est inquiété. Il a bien occupé les enquêteurs, avant d’être mis hors de cause, en 2006.
En parallèle, les policiers enquêtent « tous azimuts », dixit Christian Spacek, commandant à la police judiciaire de Rennes : étude de la téléphonie, de la géolocalisation, de la correspondance. « C’était l’enquête criminelle la plus difficile qui soit, car il n’y avait pas de lien entre la victime et son agresseur », indique-t-il.
L’enquête de voisinage permet d’établir un portrait-robot d’un « jeune homme, type européen, cheveux bruns en brosse ». Il servira de base à une planche photographique où figurent 18 délinquants sexuels. Dont Nicolas Le Bouch, tout juste condamné à Rennes, mais inconnu au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) à l’époque. « C’est une vraie curiosité ! » pointe le président, sans plus insister.
« Pas d’élément intéressant »
Le 6 octobre 2004, « il est entendu comme suspect. Il dit qu’il a été au courant du meurtre par la presse. Son ADN et ses empreintes sont prélevés et on procède à une perquisition de principe », retrace le chef de groupe. Mais, « pas d’élément intéressant ». Alors Nicolas Le Bouch ressort libre de son audition. « On était au max de ce qu’on pouvait faire, plaide Christian Spacek. Il a été traité comme les autres suspects. On n’avait aucune raison de le réentendre. M. Le Bouch était dans le top five, mais on avait pour mission de collationner un maximum d’éléments biologiques. »
Le profil génétique de Nicolas Le Bouch atterrit alors à l’Institut génétique Nantes Atlantique (IGNA), qui reçoit une masse de scellés pour cette enquête. Le 21 octobre 2004, les coussins et le paréo, déchirés, tachés, sont découverts dans un bosquet à Rennes. Direction l’IGNA pour expertise avec les moyens de l’époque. Rien d’exploitable. Mais les années passent, et la science progresse.
Soizic Le Guiner-Lebeau, experte en empreintes génétiques à l’IGNA, décrit cette évolution : « Nos techniques d’extraction et d’analyse de l’ADN se sont améliorées et cela a permis de retravailler sur des scellés anciens. » En mai 2008, son labo extrait deux profils génétiques : une empreinte féminine, qui ne donne rien. Et un autre profil masculin, assez ténu. Néanmoins, les deux profils intègrent le FNAEG. La machine mouline, mais rien.
« Deux PV de mensonges »
« Pas tous les marqueurs, se désole Christian Spacek. Mais même si dans un premier temps ça ne matche pas, on a eu un petit espoir. » Arrive mai 2012, « un moment important » pour les enquêteurs. Ils demandent une recherche en parentalité dans le FNAEG.
L’idée : interroger spécifiquement le fichier pour voir si dans les trois-quatre millions de traces recueillies sur des scènes d’infraction, il n’y aurait pas des traces proches pouvant aboutir à l’identification du profil. « La démarche n’avait été réalisée que deux fois à l’époque », précise le commandant Spacek. Le juge d’instruction suit, en indiquant qu’il faut tout de même « finir les prélèvements avant ».
Au total, les enquêteurs en effectuent plus d’un millier : du petit ami de la victime à « des patients de Guillaume-Régnier ou des détenus pour des faits du même ordre », en passant par le réparateur de son chauffe-eau. En vain, jusqu’en juillet 2014, où l’IGNA rend un rapport « révélateur », selon les mots du chef de la PJ rennaise. L’ADN prélevé sur les coussins et le paréo, finalement reconstitué, concorde avec le profil d’un détenu incarcéré depuis avril 2013 à Argentan, dans l'Orne, pour une série de cambriolages : Nicolas Le Bouch. Dix ans après son apparition dans « la première rafale de suspects » et son audition, où il est ressorti libre, faute de preuve.
Janvier 2015 : une seconde expertise montre que l’ADN retrouvé sur le gilet et le pantalon de la victime correspond bien à celui du suspect. Alors le 2 février, les enquêteurs viennent le cueillir derrière les barreaux. « À l’annonce du motif de notre visite, il blêmit, mais il reste solide sur ses positions », remet Christian Spacek. Nicolas Le Bouch nie les faits pendant les deux premières auditions de sa garde à vue. « Deux PV de mensonges » pour le policier. Arrive la troisième audition, le Briochin craque et avoue le meurtre.
« Il y a 30 secondes, tu étais nu sur le canapé »
Nicolas Le Bouch est mis en examen le 4 février 2015 pour homicide volontaire. Et pour tentative de viol, après un an d’instruction. Lui conteste. Aujourd’hui encore. Arrive le moment où la cour s’intéresse à sa sexualité. Devant le juge d'instruction, il a révélé avoir été agressé sexuellement par un voisin durant son adolescence. Il confirme ses propos devant la cour. Et reconnaît qu’il n’a pas eu « trop d’éducation sexuelle », comme il n’a pas eu trop d’éducation tout court. « Sa mère a fait avec les moyens qu’elle avait. Et les moyens, il n’y en avait pas beaucoup », résume une ex-petite amie, la seule qu'il n'ait jamais eu, avec qui il a eu un enfant. C'est aujourd'hui une jeune fille de 16 ans. Elle ne sait rien de son père et du crime dont on l'accuse.
Elle dira aussi : « On n’avait pas d’activité intime. À 19 ans, je ne savais pas si c’était bien, pas bien. Je m’en plaignais à maman, c’est tout. » Un épisode lui revient. Un soir. En rentrant à la maison. Lui sur le canapé. Pantalon baissé. En action devant la télé. Elle fait demi-tour. Claque la porte. Revient dans le salon. La télé est éteinte. Le bonhomme habillé. Elle ose : « Il y a 30 secondes, tu étais nu sur le canapé. » Il dit qu’elle ment. « Là j’ai compris que quelque chose n’allait pas, mesure-t-elle. Mais on ne peut pas imaginer que si on ne fait pas beaucoup l’amour, c’est parce qu’il va faire des saloperies à côté. »
Des « saloperies », les exhibitions et agressions sexuelles que Nicolas Le Bouch n’explique toujours pas. Il a reçu des soins pour l'aider à comprendre, mais il ne s'est pas impliqué. « Pourquoi ? », demande le président Digne. « Je sais pas. J’avais peur de découvrir ce qui allait pas chez moi. Je sais pas », admet-il. « Et aujourd’hui ? », le pousse son avocat, Me Olivier Pacheu. L'accusé, hésitant : « Aujourd'hui, il est grand temps que ça se sache. »
« L'autre comme objet »
Pour Dominique Drapier, expert-psychiatre, il s’agit d’un « fonctionnement de nature perverse ». Le professeur développe : « C’est le fait de considérer l’autre comme un objet. De ne pas lui prêter de souffrance particulière ou de lui procurer une souffrance et de s’en réjouir. Dans le cas du sujet, il rencontre des femmes pour assouvir une pulsion sexuelle, peu importe ce qu’il se passe chez l’autre. L’important, c’est la pulsion du moment et le plaisir qu’il en retire. »
Le président Digne veut savoir si ces « pulsions » sont irrépressibles. C’est non pour l’expert : « Les pulsions sexuelles de tout être s’inscrivent dans un cadre défini par leur vécu et la société. Soit il s’en affranchit, soit il ne s’en affranchit pas. » L’accusé arrivera à la même conclusion un peu plus tard : « C’était pas commandé, c’était impulsif et j’ai cédé à cette pulsion. Mais je n’ai pas l’impression d’être sans empathie. »
D’ailleurs après le meurtre, Nicolas Le Bouch canalise ses pulsions. Pas de victime. « Pas de victime présente », rappelle Me Dominique Piriou-Forgeoux, du côté de la famille, hantée à l’idée que le meurtrier de Lucie s’en prenne à une autre femme. Une autre question ne cesse de revenir tout au long de la cavale, du procès : « Comment Lucie, prudente comme nous la connaissions, avait pu ouvrir sa porte ? », questionne un proche.
Son entourage l’affirme, il y a eu « ruse », « stratagème ». « Elle n’aurait jamais ouvert sa porte à un inconnu en pleine nuit », assure une tante. La mère de Lucie en est plus que convaincue : « Elle avait un bac médico-social, le BAFA. Elle se destinait à devenir éducatrice pour les jeunes enfants. Elle n’était pas naïve. J’ai rédigé avec elle l’étiquette de sa boîte aux lettres. Sans son prénom, parce qu’on en avait discuté. Lucie savait ce que risquent les femmes par des "imprudences". »
« L’exhibitionniste montre, l’exhibitionniste ne touche pas »
Me Dominique Piriou-Forgeoux se résigne : « On n’aura pas d’explication. Il dissimule, il ment, il feint, il fait croire. Il n’est pas honnête. Mais ça interroge. » Pour l’avocate, une chose est sûre : « Lucie a lutté pour sa vie. Elle a lutté, pas pour éviter une exhibition. Là, on ferme la porte, on ferme les yeux. Elle a lutté parce que M. Le Bouch voulait une relation sexuelle. Il l’a dit devant le juge d'instruction. »
L’avocat général Martial Guillois entame son réquisitoire par une précision à l’intention des jurés : « Moi je l’appellerai Lucie à présent. Lucie, c’est pas seulement la fille morte sur les photos. » Les photos de Lucie presque nue, morte, au sol, projetées quelques heures devant une salle d’assises comble, alors qu’en 2004 le parquet avait interdit à la mère de Lucie de revoir sa fille. « Trop abîmée », lui avait-on dit.
Le magistrat veut couper l’herbe sous le pied de la défense. « Vous allez entendre que le doute doit profiter à l’accusé, répète-t-il trois fois comme pour mieux s’en convaincre. Le doute oui, c’est prévu par le code. Mais le doute sérieux. » Pour ce parquetier à la retraite, « Nicolas Le Bouch n’est plus un exhibitionniste depuis la nuit du 4 septembre 2004. L’exhibitionniste montre, l’exhibitionniste ne touche pas. »
Martial Guillois tient à la qualification de tentative de viol. « Au moins six magistrats professionnels ont eu cette analyse avant moi », compte-t-il, avant de s’adresser encore une fois aux jurés. « Ne décevez pas les parties civiles. » L’avocat général requiert une « peine équilibrée, celle prévue par la loi » : la réclusion criminelle à perpétuité. Avec une peine de sûreté de vingt ans, une injonction de soins, un suivi socio-judiciaire sans limite de durée et une inscription de la condamnation au Fijais, le fichier regroupant les auteurs d'infractions sexuelles. « La société doit indiquer l’interdit absolu pour que ses proches se restaurent un peu et pour protéger la société. »
Face à lui, Me Pacheu cligne des yeux, serre les dents, encaisse. C’est la première fois qu’un avocat général requiert la réclusion criminelle à perpétuité contre l’un de ses clients. Pour M. Le Bouch comme pour tous les autres, « le doute doit profiter à l’accusé, souligne l’avocat. Et non pas le "doute sérieux". » Pour la défense, la tentative de viol ne tient pas : « Il ne suffit pas d’y penser. Il faut un commencement d’exécution. Soit des actes qui doivent avoir pour conséquence directe et immédiate la consommation du crime. »
« Un crime de circonstance »
Me Pacheu tergiverse moins sur le meurtre. « Il est coupable », pose-t-il d’emblée, avant de préciser combien il reste persuadé que lorsque son client part de chez lui cette nuit-là, « il ne sait pas qu’il va tuer quelqu’un. » L’avocat maintient que Nicolas Le Bouch n’avait pas repéré Lucie Beydon. « C’est horrible à dire, mais le fait que ça soit elle et pas une autre, est dû au hasard. C’est un crime de circonstance. »
Reste à discuter de la peine. Là encore, « horrible à entendre » prévient la défense, « mais il doit y avoir une échelle » : la réclusion criminelle à perpétuité ne devrait être prononcée que « contre celui qui a commis l’indicible, l’absolument indicible et celui pour lequel on n’a plus aucun espoir. Et de l’espoir, il n’y en a un tout petit peu pour M. Le Bouch. »
L’avocat ne s’appesantit pas trop longtemps sur la personnalité de son client, « pas un solitaire, mais un homme seul ». La preuve, au premier jour du procès, quand il lui a annoncé le décès de sa mère, un mois auparavant : « Il n’existe tellement pas M. Le Bouch que personne ne pense à le prévenir. Comment c’est possible une solitude telle ! » En prison, Nicolas Le Bouch ne reçoit aucune visite. Il n'a jamais formulé de demande de remise en liberté. « Ça me serait refusé, sait-il. Et de toute façon je ne saurais pas où aller, quoi faire. »
Après cinq heures de délibéré, la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine a condamné Nicolas Le Bouch à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre et la tentative de viol avec arme de Lucie Beydon. Peine assortie d'une période de sûreté de 18 ans et un suivi socio judiciaire de six ans (dont une injonction de soins) et une peine de quatre ans de prison s'il n'est pas observé, ainsi que l'inscription au Fijais.