Stéphane P. était un bagarreur, un homme parfois violent, mais aussi un père aimant. Alcoolique et tourmenté, il traînait tard dans la rue, et sans cesse il buvait, se battait, saignait, gagnait, crânait et recommençait. C’est dans la petite épicerie où il se rechargeait en whisky, repaire nocturne des traînes-misère, qu’il rencontra Françoise.
Kamel N. K. avait pour habitude de boire du whisky avec les clochards de la porte d’Asnières. À 43 ans, il divaguait sans but, traînant sa sensibilité meurtrie, des blessures profondes. Sa vie était ce qu’il est convenu d’appeler : chaotique. Pas de travail (jamais), non plus de compagne, enfant placé, adulte 30 fois condamné – l’alcool, la violence, les vols, la déshérence et la misère ancrée. Et la petite épicerie de la porte d’Asnières, où il rencontra Françoise.
Françoise M., Sexagénaire livide et dépressive, avait entrepris par l’alcool la méthodique destruction de son être. La schizophrénie de son fils l’avait plongée dans un complet abattement. Elle avait été une femme raffinée : cheffe de cabine à Air France, appartement de quatre pièces meublé avec élégance dans le 17e arrondissement de Paris, vie rangée et port altier (celui de l’hôtesse de l’air). Désormais, elle a le teint blême et un chignon (celui de l’hôtesse de l’air) noir.
« C’était voyage au bout de l’enfer »
À la barre de la cour d’assises de Paris, mercredi 21 février 2018, elle exprime sa détresse d’alors : « C’était voyage au bout de l’enfer, je buvais beaucoup, c’est le pire et le plus rapide des anxiolytiques. J’attendais la mort. J’étais morte. » Il se dégage de Françoise quelque chose de sépulcral.
Le 3 février 2015, le corps tuméfié de Stéphane gisait dans le salon de Françoise, et Kamel était arrêté. Françoise est témoin, Kamel est accusé – d’avoir volontairement donné la mort à Stéphane, dont la famille, son ex-femme et ses trois enfants adultes, sont parties civiles.
Françoise attend, Kamel l’observe. « J’ai énormément de questions à vous poser », la prévient le président de la cour. Elle parle d’elle, de ce qu’elle appelle « son désarroi le plus total ». La maladie de son fils décelée en 2007, les bouffées délirantes qui emportaient son petit Charles (aujourd’hui stabilisé) dans des crises de violence extrême. Le regard fixe – témoin de l’effondrement mental –, il la frappait, détruisait l’appartement, l’a incendié un jour, et a tenté de la défenestrer : « Ça arrivait dans des moments très calmes, et j’étais terrorisée. Je n’avais pas peur de la mort, mais de ce qui allait arriver après, ces personnes qui allaient me retrouver sur le trottoir. »
La défenestration manquée intervient en septembre 2014, juste avant qu’elle rencontre Stéphane. C’était un homme gentil, dit-elle, mais à la dérive. « Il devenait vite ingérable lorsqu’il avait bu ». Elle interrompt leur relation et rencontre Kamel à l’épicerie. Aussitôt elle le convie à son domicile. Elle continue néanmoins à voir Stéphane, « car c’était quelqu’un qui était en souffrance, il cherchait à être soigné de son addiction à la violence ». Au début de l’enquête, elle a dit avoir eu deux relations « successives », mais en réalité, elle fréquentait les deux.
« Françoise, vous l’aimiez ? »
Le président : « Votre petit ami, au moment des faits, c’était Stéphane ou Kamel ?
– C’était Kamel.
– Bon. Compte tenu de votre vie, vos habitudes, en quoi pouviez-vous vous même être attirée par un tel homme ?
– Parce que j’étais moi-même perdue. » Du matin au soir, elle buvait du vin (« Je n’ai jamais bu une goutte d’alcool fort de ma vie »), se comportait en ivrogne. Elle était entrée dans un processus de relâchement total et d’abdication, un processus d’abandon dans l’inconduite. Elle évoque les relations sexuelles (non protégées, alors que Stéphane était séropositif, sous traitement) avec ces hommes de la rue, elle, la bourgeoise distinguée, divorcée et sexuellement abstinente depuis trente ans. « J’ai de la culpabilité envers moi-même d’avoir vécu comme cela, alors que j’ai vécu comme une religieuse toute ma vie. »
Kamel, depuis son box, l’observe avec tendresse. Le président lui demande : « Françoise, vous l’aimiez ?
– Oh oui.
– Et puis, vous aviez besoin d’un gîte aussi, n’est-ce pas ?
– C’était pas que ça, c’était plus profond. »
Françoise écoute, assise au fond de la salle.
« Vous avez dit que vous étiez amoureux. Ça veut dire que votre cœur battait quand vous la voyiez ?
– Oui, voilà, c’était ça.
– Qu’est-ce que vous aimiez, chez elle ?
– J’aimais sa gentillesse, sa personnalité, et puis sa culture, toutes les connaissances qu'elle avait. »
Kamel le vagabond esseulé, l’ivrogne otage de son coeur tendre – « Je buvais du matin au soir, car j’avais du mal à gérer mes émotions, j’étais en manque d’affection » – intéresse une femme. Et pas n’importe quelle femme, pas une de ces ombres des recoins lugubres des abords du périphérique, non, une femme cultivée qui lui réchauffe le coeur et l’emplit d’amour propre. Gamin placé, abandonné par ses parents rentrés en Algérie lorsque, à sa majorité, il a été chassé de sa famille d’accueil, le voilà enfin accepté par le membre d’une société qui l’avait toujours réprouvé.
« Ça ne se termine pas tout le temps au cimetière »
Mais ce membre était à la dérive, et ils dérivaient tous les deux. Ça n’a pas duré longtemps. Françoise voyait toujours Stéphane alors qu’elle fréquentait Kamel. Se connaissaient-ils ? Kamel jure que non. Françoise pense que oui : « Ils avaient été vus de nombreuses fois dans le quartier, buvant ensemble, c’est le voisinage qui le disait. » Le 19 janvier néanmoins, Kamel sait que Françoise a déposé une main courante – Stéphane a proféré des menaces à son encontre. Le président lui rappelle : « Vous avez dit : “Je suis normalement jaloux et je n’accepte pas que ma compagne ait des relations sexuelles avec un autre” – Oui, comme tout le monde ! – Mais ça ne se termine pas tout le temps au cimetière. »
Cela s’est fini « au cimetière », par la faute de Kamel qui a lynché Stéphane dans des circonstances qui encore aujourd’hui demeurent totalement obscures, brouillées par l’ivresse. Françoise – qui s’en défend fermement – y a, par son ambivalence et son inconstance, involontairement contribué. Le président la confronte : « Est-ce que vous aviez repris des relations intimes avec Stéphane P. ?
– Non, Monsieur le président.
– Vous aviez dit que c’était le cas à Monsieur N. K. – pour le provoquer ?
– Non, je n’ai jamais dit cela.
– Pourtant, lui dit le contraire, et ajoute que ça lui avait fait mal.
– C’est faux.
– Est-ce que, Madame, vous aviez pu avoir l’idée de le manipuler ?
– Je m’attendais à ça, à être le bouc émissaire de cette affaire. Mais c’est faux. » Elle ajoute : « Monsieur N. K., c’était quelqu’un de très beau à l’intérieur, mais à l’extérieur il était ingérable. » Elle s’épanche et se lamente, son fils si malade… Le président l’arrête : « Vos états d’âme nous importent peu, nous avons un dossier, il nous faut avancer. »
Il avance : « Vous avez mis Monsieur N. K. à la porte le 28 janvier, pourquoi était-il chez vous le 2 février ? » Silence. Françoise se tord les doigts. « Je… Pfff… Parce qu’il était gentil ? Il n’était pas du tout violent avec moi, mais c’est vrai qu’à l’extérieur, il faisait du scandale. » Kamel, lui, croit à une sincère réconciliation – son état d’ébriété l’empêche de percevoir l’ambiguïté dont Françoise jamais ne sort. Ils se revoient et font l’amour, dorment ensemble, se lèvent et boivent. whisky pour Kamel, toujours. Ce mardi 3 février, ils débutent, dans la joie et dans le salon de Françoise, une alcoolisation massive. Kamel s’endort, Stéphane débarque.
« J'avais l'intention d'en finir avec eux »
Le président à Françoise : « Est-ce que sa visite était prévue ?
– Non.
– Peut-on la qualifier d’inopinée ?
– Je pense que oui.
– Est-ce qu’il était ivre ?
– Il ne semblait jamais ivre (il l’était).
– Pourtant, relève le président, vous avez raconté au juge d’instruction que Stéphane P. est venu chez vous pour trier des papiers administratifs. À quel moment cela avait-il été convenu ?
– Peut-être le matin. »
Le président a un mouvement de recul.
« Madame, soit vous nous dites n’importe quoi, soit vous avez dit n’importe quoi au juge d’instruction.
– Au juge d’instruction, sûrement pas !
– Alors à qui ? Je vous rappelle que vous êtes sous serment, madame ! Monsieur N. K. dormait chez vous, il était convenu avec Stéphane P. qu’il vienne l’après-midi, vous saviez mécaniquement qu’ils allaient se rencontrer. »
La défense de Kamel (il a deux avocats) avance une hypothèse : « Je pense que vous les avez fait venir pour qu’ils se rencontrent, que ça dégénère, qu’il y ait une bagarre et qu’ils disparaissent. » « C’est absurde ! » sursaute Françoise, avec l’air horrifié qu’elle arbore chaque fois qu’une question, une affirmation lui prête un rôle coupable dans le processus ayant conduit à la mort de Stéphane. Cela dit, elle admet : « J’avais l’intention d’en finir avec eux. »
Stéphane entre, ivre et provocateur. « Je lui ai dit que Kamel dormait à côté, mais “C’est pas grave ! ”, il m’a dit ». Stéphane s’impose. Du couloir, devant la chambre, il crie : « Police ! » Kamel sort, Stéphane lui envoie une gifle. C’est Kamel qui l’affirme, Françoise n’a rien entendu de tel. Mais elle admet : « Dès son entrée, je pressentais quelque chose de dangereux. Je tournicotais. »
Kamel prend ses affaires pour partir, dit-il. Stéphane paraît de bonne humeur, l’attrape par le bras et l’invite à s’asseoir. Dans l’élégant salon de Françoise, il y a deux fauteuils blancs dans lesquels Kamel et Stéphane s'installent pour boire du whisky – à moins que Kamel ne se fût assis sur cette chaise en bois. À partir de ce moment là, les faits ne sont pas reconstituables avec certitude. L’évidence qui suit, chronologiquement, c’est un appel paniqué de Françoise, ivre et confuse, qui prévient les secours et la police en confondant les prénoms de ses deux hôtes.
« C’était le même regard qu’avait mon fils lors de ses crises de schizophrénie »
Il est acquis au débat que Stéphane a porté le premier coup. Un coup de poing, subitement asséné à Kamel, qui se retourne sur son fauteuil. La raison ? Kamel lui aurait parlé de l’argent qu’il aurait volé sur le compte de Françoise (qui est un fait possible et cru par Françoise, mais pas avéré). Stéphane, pugiliste forcené habitué des bagarres de rue, n’en reste pas là : il se jette sur Kamel, qui, renversé en arrière, dit faire de grands moulinets de défense avec les pieds.
Cela semble fonctionner, car il renverse la tendance et se retrouve sur Stéphane, qu’il frappe. Énormément. Avec les poings, avec les pieds de manière désordonnée et frénétique, avec toute la fureur et l’alcool (3,1 g par litre de sang) qui l’habitent à ce moment, il cogne le corps désormais inerte de Stéphane, dont le visage excessivement maltraité (tout à fait ravagé) sera affiché dans la salle d’audience. Stéphane (3,5 g d’alcool par litre de sang) est mort d’une hémorragie dans les poumons et dans la boîte crânienne.
La médecin légiste a décrit de multiples traumatismes crâniens, faciaux, une fracture de larynx, du cartilage la pomme d’Adam, une fracture du nez, des dermabrasions, des ecchymoses, et des contusions en grand nombre. Elle a relevé, en tout, 50 impacts – provoqués donc par au moins 50 coups (car plusieurs coups au même endroit ne causent qu’un seul impact). Kamel, quant à lui, présente des traces de coups superficielles, notamment de nombreuses marques de défense à l’intérieur des bras, qui lui ont valu deux jours d’ITT.
« Faut que je fouille dans ma mémoire. – Eh bien, fouillez »
La violence et la répétition de ces coups justifient que Kamel ait été renvoyé devant la cour d'assises pour homicide volontaire (meurtre). La défense rejette l’intention homicide, et souhaite voir requalifié le crime en violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner – 15 ans encourus, au lieu de 30 ans. Il apparaît très vite que le témoignage de Kamel, maladroit – car il semble minimiser la violence de ses coups – et, de toute manière, très flou, ne sera pas déterminant dans la manifestation de la vérité. Il décrit la scène ainsi :
« Stéphane P. m’attaque, il me dit : “Je fais de la boxe, je vais te casser la gueule”. Il me tabasse, je m’évanouis, je me réveille et là j’ai pris le dessus. Et puis j’ai un trou noir, je ne voyais plus rien. J’étais incontrôlable, c’est la première fois que ça m’arrive. » Le président demande des précisions : « Trou noir. » Il ajoute : « J’ai certainement dû le frapper, pour me défendre. Puis on s’est frappés tous les deux, on s’est bagarrés. Je l’ai pas frappé alors qu’il était à terre.
– Vous êtes sûr ?
– Faut que je fouille dans ma mémoire.
– Eh bien, fouillez.
– Je l’ai pas frappé à terre, ou alors juste dans les jambes.
– Pourquoi ?
– Pour le réveiller.
– …
– Parce qu’il était évanoui.
– Bon. Ce n’est pas ce que dit Mme M. »
Mme M., à vrai dire, a beaucoup varié. C’est en partie sur le fondement de son témoignage que l’intention homicide a pu être retenue. « Qu’avez-vous vu de la bagarre ? » lui demande le président. « Rien, sinon un énorme meuble voler, et j’ai entendu le fracas des meubles. Puis je l’ai vu, debout, le regard fixe. C’était le même qu’avait mon fils lors de ses crises de schizophrénie. »
C’est un peu faible pour emporter la conviction de meurtre. Mais Françoise avait deux grammes dans le sang, et il semble régner en elle, à l’heure de cet interrogatoire, la plus grande des confusions. Le président – sans doute pour la guider – lui rappelle l’une des ses déclarations de garde à vue : « J’ai vu des coups de pied sur les tempes, avec les pointes des pieds, il donnait de gros coups de pied, comme dans un ballon. C’était très violent. »
« Certitude absolue »
La mémoire, soudain, lui revient :
« Oui, c’est vrai.
– Vous l’avez vu ?
– Oui je l’ai vu porter des coups à Stéphane P. alors que celui-ci était à terre. Ça m’a paru très long. Je me souviens d’une personne inanimée, avec une personne sur lui, qui s’acharnait sur lui. »
Elle affirme désormais avoir vu le début de la bagarre. Les deux qui se lèvent et s’affrontent. « La violence a pris le dessus », dit-elle, et le président dit : « C’est-à-dire qu’à ce moment il n’aurait pas été dans la défense, mais dans la violence pour la violence ? » Elle opine.
« J’en ai fini », dit le président en tournant la tête vers les parties. Une dernière question tout de même : « C’est quoi votre vision de cette histoire, madame ?
– Pour moi, il y a certitude qu’il n’avait pas l’intention de le tuer. Certitude absolue. » Ça étonne le président : « De le blesser, alors ? – Non, même pas. Il était hors de lui. Ces choses là s‘arrêtent brusquement. Comme une crise de schizophrénie. » Avant de se rasseoir, elle est interrogée par l’avocate de la défense (qui est persuadée qu’en réalité, Françoise ne se souvient de pas grand-chose) sur les souvenirs qu’elle a de la scène. Françoise, en écarquillant les yeux, répond : « L’horreur ! Je me souviens juste de l’horreur ! »
Il se trouve qu’il n’y a dans cette affaire pas beaucoup plus de témoins de personnalité qu’il n’y en avait pour les faits. La fille aînée de Stéphane P., qui au creux de son avant-bras a fait tatoué « папа » (« Papa », en russe, car Stéphane P. était d’origine russe), semble avoir été préservée des turpitudes de son père, et n’évoque qu’un homme doux et aimant.
« On n’est pas là pour faire le portrait d’une famille idyllique »
La sœur de Kamel, quinquagénaire inquiète et volubile, explique longuement la vie difficile de son petit frère, ses souffrances psychologiques – qu’elle ne semble pas mettre sur le compte du placement de Kamel, de l’âge de 13 mois à sa majorité, car ses parents n’étaient pas en mesure de pourvoir à ses besoins. Elle dresse le portrait d’une famille soudée et aimante, ce qui agace le président : « On n’est pas là pour faire le portrait d’une famille idyllique. » Ce qui est manifestement assez éloigné de la réalité. La sœur se reprend. Elle voulait bien faire, dit-elle, expliquer que tout n’est pas noir, qu’elle aime son frère.
Et puis, de manière presque inopinée, une femme approche à la barre. Elle est citée par l’avocat de Kamel (le second avocat), qui pensait voir une addictologue en exercice, alors que cette femme semble provenir d’une cabane dans la montagne : grosses chaussures montantes, visage buriné, bonnet enfoncé sur la tête. Voix éraillée. « Je suis à la retraite depuis quatre ans (ce qui embête l’avocat de la défense). J’étais éducatrice, je me souviens de Kamel. » Spontanément, ce dernier se lève : « Bonjour Claude, vous vous souvenez quand je vous ai dit que j’avais été violé à 10 ans [par le directeur de colonie] ? Vous êtes la seule personne à qui j’en ai jamais parlé. » Claude s’en souvient. Kamel a l’air ému. Il avait oublié de parler de ça.
Enfin, le psychiatre dit (ce qu’il a écrit dans son rapport) : « Kamel N. K. présente une personnalité pathologique complexe avec une indifférence aux normes sociales, des difficultés à tirer des leçons des sanctions dont il a été l’objet, une labilité émotionnelle avec une impulsivité et une propension à l’irritabilité, un manque de perspective temporelle avec des difficultés à se projeter dans l’avenir et à anticiper les conséquences de ses actes. » Il préconise une démarche de soins.
« Françoise devient un pilier du monde interlope de ceux qui fréquentent l’épicerie de la porte d’Asnières »
« Celui qui déchaîne la violence porte seul la responsabilité de ce déchaînement », dit l’avocat général dans son réquisitoire. Pour lui, la multitude de coups et le témoignage (la partie à charge) de Françoise démontre l’intention homicide de Kamel. Il requiert une peine de « 15 à 17 ans de réclusion criminelle » pour le meurtre de Stéphane P., assortie d’un suivi socio-judiciaire de cinq ans.
La première avocate de Kamel s’interroge : « Coupable, il l’est. Mais coupable de quoi ? De s’être défendu en donnant des coups, dans ce huis clos à trois ? » Elle attaque la femme : « Françoise devient un pilier du monde interlope de ceux qui fréquentent l’épicerie de la porte d’Asnières, oui, un jour elle a une relation avec Stéphane P., un jour avec Kamel. Chacun cherche son salut. Françoise, pour eux, c’est cette femme qui pouvait les sortir de la galère. » Elle attaque les faits : « Stéphane P. donne le premier coup. Stéphane P., dont la mère elle-même (au cours de l’instruction, mais elle n’est pas venue à l’audience, NDLR) dit qu’il aime la bagarre. Qu’il a un bon fond, mais bagarreur quand même. » Pour elle, cette bagarre qui tourne mal est caractéristique des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en témoignent les blessures de Kamel.
Son confrère qui plaide ensuite, alerte les jurés sur la réalité carcérale, car ils pourraient penser qu’à mi peine, Kamel serait libéré. « La libération conditionnelle, ce n’est pas évident, surtout pour lui. Il faut un projet, un travail. » Kamel n’a rien de cela. Il prévient également sur l’impression possiblement mauvaise que pourrait laisser sur eux la personnalité de son client : « Monsieur N. K. est détenu, il n’a pas beaucoup de personnes à faire citer. La condition sociale est très importante, vous allez juger une image qu’il renvoie. »
Pour le meurtre de Stéphane P., la cour et les jurés ont condamné « l’image » de Kamel N. K. à une peine de 14 ans de réclusion criminelle, assortie d’un suivi socio-judiciaire et d’une obligation de soins.