Dans le box, Farid, 19 ans, ne tient pas en place, comme curieux de découvrir la chambre des comparutions immédiates. Sa petite tête aux oreilles très décollées tourne dans tous les sens. Il la secoue, se tapote les joues, histoire d'être prêt pour son grand oral. La présidente l'appelle. Il se lève. Deux jours avant, il a « roué de coups de poing » une agent SNCF, puis l'a menacée de mort : « J'vais niquer ta mère, sale pute ! Salope ! » lit la présidente d'un air blasé.
Pendant la lecture des faits, Farid reste attentif. « Tu vas pas commencer à me casser les couilles ! » aurait-il lancé à l'agent SNCF qui l'empêchait de monter dans le train sans payer. Il s'agrippe au box, un peu stressé, plisse les yeux pour mieux écouter. Presque content de lui, il affiche parfois un petit sourire narquois, juste en-dessous de sa discrète moustache de duvet. Il tente d'interrompre la présidente, mais son avocate commise d'office le rabroue.
« Les femmes ne devraient même pas exister, elles sont la cause de tous les problèmes »
Devant les flics, il a commencé par nier : « Non, je l'ai pas frappée, elle le mérite pas. » Puis il s'est lâché : « L'autre salope, je l'ai frappée, j'assume. Chez moi, les femmes elles ferment leur gueule et elles ouvrent leurs jambes. Les femmes ne devraient même pas exister, elles sont la cause de tous les problèmes. » Dans la salle, peu de soutien, comme le fait remarquer son conseil : « Son avocat est une femme. Le procureur est une femme. Les trois juges sont des femmes. »
« Moi madame, j'vais vous dire la vérité », commence Farid. Puis il s'embrouille. Les coups de poing ? « C'est vrai, mais c'est pas dans mes habitudes. C'est parce que j'avais pas dormi pendant plusieurs jours. » La raison de cette violence ? « Soit l'agente m'a mal parlé… soit elle m'a poussé en premier… » explique-t-il incertain, construisant sa version au fur et à mesure. Mais, assure-t-il aujourd'hui, « j'ai rien contre les femmes, tout ce que j'ai dit, c'est parce que j'étais énervé ».
« On voit que même aujourd'hui, il a du mal à garder son calme », critique d'entrée la procureur. Alors qu'elle requiert, Farid lève la main pour prendre la parole, comme un petit collégien ; son avocate excédée lui fait baisser. La procureure demande un an, dont cinq mois avec sursis, et un mandat de dépôt.
« Un jeune manifestement perdu »
Peu aidée par son client, l'avocate de la défense plaide tant bien que mal : « Est-ce qu'il n'y a pas d'alternative à la prison ? Son casier est vierge, il a 19 ans, c'est un jeune manifestement perdu. » Farid a le dernier mot. Il se tâte, puis : « J'voulais m'excuser. »
Le tribunal le condamne à un an, dont six mois avec sursis, le tout assorti d'un mandat de dépôt. « Malgré l'absence de condamnations, ce sont des faits très violents, sans aucune justification, c'est ce qu'on appelle de la violence gratuite », précise la présidente. Farid ne semble pas comprendre la gravité de la situation et il conserve son petit air d'ado provocateur alors que les gendarmes l'emmènent.