Un soir d’avril à Sevran (93), Marina se pointe à son auto-école pour fixer la date de son examen. Les propositions ne lui conviennent pas, elle s’énerve, le personnel aussi ; les noms d’oiseaux fusent. « Magouilleurs ! » « Sors du bureau, petite crasseuse ! » « Vous allez voir, ça ne va pas s’arrêter là ! » Marina, une poignée de cheveux en moins après l’algarade, appelle son père à la rescousse.
L’homme débarque, menaçant : « Ma fille n’est pas une pisseuse ! Je vais te tuer. » Il renverse un bureau et attrape l’une des salariées par la bouche. Mal lui en prend, l’équipe de l’auto-école lui flanque une sévère torgnole, le tout filmé par les caméras de vidéosurveillance. Les salariés s’enferment.
Alerté par le père, le sang de Samy, frère de Marina, ne fait qu’un tour. Il déboule dans sa Laguna et sort de l’arrière du véhicule une kalachnikov emmaillotée dans une couverture. « Je vais vous tuer, vous avez tapé mon père, ma sœur. Je vais vous tuer un par un, vous n’êtes pas prêt ! » avertit poliment Samy, sorti de détention il y a peu. Le personnel s’enfuit et se cache entre deux voitures dans la rue. Samy les poursuit en voiture. Des témoins rapportent entre cinq et sept détonations mais les policiers ne trouvent qu’une douille.
« Pourquoi venez-vous avec une arme ? interroge Youssef Badr le président de la 18e chambre du tribunal de Bobigny, ce 19 mai.
— Je ne suis pas surhumain, je suis tout maigre, je ne sais pas combien ils sont quand j’arrive.
— Vous ne vous dites pas que vous risquez de faire une énorme connerie ?
— Il n’y avait pas de chargeur.
— Vous croyez vraiment que des gens braqués regardent s’il y a un chargeur ou pas ? C’est pas une bande de sauvages, c’est une auto-école ! Quand vous arrivez, vous voyez bien que l’altercation est terminée, non ?
— Je n’ai pas tiré, j’ai juste voulu faire peur. »
Aux policiers, Samy a d’abord dit qu’il tenait « un morceau de ferraille », puis une arme de paintball. Une arme de guerre, tranche un expert qui visionne les images. Depuis son box, Samy regrette. « Quand il s’agit de mon père, c’est délicat. (…) A la base, je suis souriant et gentil. » « J’appelle cela la dépacification de la société, assène le procureur. Lorsque des personnes ont un différend, plutôt que trouver une voie légale, ils utilisent la violence. Ici une arme de guerre (…) comme aux Etats-Unis ! » Ailleurs en France, « vous auriez été poursuivi pour tentative de meurtre ! » Le parquet requiert quatre ans de prison, dont trois ans ferme. Samy est condamné à trois ans dont 18 mois assortis d’un sursis probatoire.