« Je vais me lever et vous tousser dessus »

Lundi 23 mars, vers 16 h, au quartier du Stade, à Chalon-sur-Saône, une patrouille voit deux hommes discuter. L'un d'eux portait un masque et des gants. Il ne respectait pas la mesure de distance entre les personnes, mais avec son masque et ses gants il devait se croire invincible. Il dit qu’il n’a pas supporté qu’un des policiers s’approche de lui et le touche « sans gants ». Et il tourne en rond là-dessus, à en agacer les juges ainsi que l’avocat des policiers. « Il avait de la drogue sur lui, c’est pour ça qu’il s’est affolé », lance maître Bibard qui représente les policiers. Une histoire de sacoche dont le prévenu a réussi à se débarrasser, semant le trouble par son comportement et ses insultes, appelant les copains à venir filmer l’interpellation. Auparavant il avait mis quelque chose dans sa bouche… « C’est juste ma fume ! »

À l’audience, il se rétracte. Son avocat plaide la relaxe sur l’usage de stups puisqu’il ne suffit pas de sentir l’odeur du shit pour prouver qu’il y en a. D’un point de vue juridique, on est sur « une infraction imaginaire ». Relaxe également sur la provocation directe à la rébellion, juridiquement ça ne tient pas. Sur le reste, les outrages et les violences, il sera condamné. Comme l’a justement rappelé maître Varlet, en défense, à une certaine époque les « Allah Akbar » fleurissaient, étaient jugés comme apologie du terrorisme. Place désormais aux menaces de contamination par le coronavirus.

Sur place et pendant le transport au commissariat : « Bande de chiens, je vais vous contaminer, vous êtes des porcs. » Pendant l’audition : « Je vais me lever et vous tousser dessus », « toi, je te parle pas, j’espère que tu vas choper la mort. » Le président Grandel comme toujours est direct et franc. Sans la moindre agressivité, ni quoi que ce soit qui permettrait au détenu de se sentir persécuté, le juge pose la ligne de partage : « Il ne faut pas inverser l’ordre des choses, rien ne justifie l’attitude que vous avez eu envers les policiers. Dans cette période trouble, tout le monde est un peu à cran. Il faut faire des efforts, on vit en société. »

« Faut arrêter les salades », résume un des assesseurs

« Je voulais juste qu’ils mettent des gants, repart le prévenu. – Mais arrêtez ! Ce n’est pas une raison pour tousser, pour cracher ! » « Faut arrêter les salades », résume un des assesseurs. « Il joue avec les nerfs des policiers qui n’ont pas de quoi se protéger, et qui n’ont pas le choix, plaide Arnaud Bibard. Votre décision est attendue par les 200 fonctionnaires du commissariat. Ils veulent savoir s’ils sont protégés judiciairement contre de genre de comportement. »

La procureure reprend les préventions une par une et estime que tout est caractérisé, elle requiert 12 mois de prison avec maintien en détention, et une amende de 135 euros (on n’a jamais trouvé l’autorisation de sortie). Me Varlet reprend les préventions une par une et démontre que sur les six, la moitié n’est absolument pas caractérisée. « Depuis le début de l’audience, on ne fait que ça, agiter des peurs. Or la peur exacerbe les passions. » L’avocat pousse le bouchon aussi loin que possible : « Cette infection au Covid 19 qui fait peur, à juste titre, a-t-on un élément concret sur son existence, dans ce dossier ? Non. Le policier voulait que monsieur soit dépisté, la juge des libertés et de la détention l’a demandé à son tour, mais ça n’a pas été fait. »

Pas de dépistage, pas de gants, pas de masques : les réalités qu’on vit tous se retrouvent toujours au tribunal. « Les policiers aimeraient avoir des gants, et des masques, monsieur, mais c’est un problème sanitaire national, recadrait le président. Vous, vous indiquez que vous étiez protégé, alors n’inversez pas l’ordre des choses. »

Le tribunal déclare le prévenu coupable d’outrages et de violences, le condamne à huit mois de prison, ordonne son maintien en détention. Le condamne à payer 135 euros d’amende, et à indemniser les quatre policiers de 1 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral.

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