« Je suis Italien, je parle beaucoup avec les gestes »

« Je suis Italien, je parle beaucoup avec les gestes »

Cette chronique a initialement été publiée dans la revue Sang-froid.


Silvio dans son box

Silvio est un volubile sexagénaire qui agace tout le monde. Dessin : Emilie Oprescu

Voici Silvio, 67 ans. Aux policiers, Silvio a crié : « Sale chien, fils de pute » et « Sale chienne, viens me lécher les pieds », en se débattant frénétiquement dans la salle d’attente de l’hôpital où ils escortaient un homme, ivre et menotté, qui insultait tout le monde, dont Silvio, ce qui fut à l’origine de sa colère.

Il est calme, désormais, Silvio. Il a des mimiques et des lettres : « Ce n’est pas mon langage, je lis Victor Hugo et de la poésie », réfute-t-il en écarquillant les yeux, face au président de la 23e chambre. « Est-ce que vous reconnaissez les coups de pieds ? – Non, euh, oui, mais je suis Italien, je parle beaucoup avec les gestes ! » Silvio digresse, le président abrège. « La rébellion ? – Oui, mais je… – Les outrages ? – Ah non non non non. »

Mais deux policiers, victimes, sont présents à l’audience, et confirment les propos injurieux. « Pour ma part, j’ai été traité de sale chien », dit l’un. « Je confirme », dit l’autre. Leur collègue Fabienne a eu deux jours d’ITT. Silvio, regard de braise et coude sur la vitre : « Je ne comprenais pas qu’on m’arrêtait, je n’ai pas voulu frapper, je voulais juste me relever. » Manque de chance, Fabienne a pris un coup de pied à la tête. Silvio prend un air désolé.

Mais qui est Silvio ? Un ancien architecte, qui a dirigé une agence durant 25 ans. Mais encore ? Son casier débute en 2008 : abandon de famille, violences sur conjointe (incarcération), appels malveillants, violences conjugales, violences aggravées. La prison, la rupture avec « les siens » est à l’origine de son effondrement. « J’attends de toucher ma retraite d’architecte, il y a des problèmes administratifs, dit-il. Je suis hébergé à Romain Rolland. [c’est un centre du Samu social] pour ne déranger personne », admet-il doucement en inclinant la tête.

La procureure évoque « quelqu’un qui devient nuisible quand il se trouve face à l’autorité », et demande huit mois de prison, dont quatre avec sursis et mise à l’épreuve. La défense rappelle que Silvio a d’abord voulu calmer un homme ivre et vociférant, avant de s’énerver lui-même. Le tribunal condamne Silvio à huit mois, dont deux avec sursis et mise à l’épreuve. Mandat de dépôt.

Afficher les commentaires