« Si vous le dites c'est que ça doit être vrai »

« Si vous le dites c'est que ça doit être vrai »

Incorrigible Stéphane. Presque autant de condamnations que de bougies soufflées. Dont 23 pour vols. « Franchement j'abuse, reconnaît le trentenaire. Vous avez toutes les raisons d'être sévère avec moi. »

« Qui vous a appris à faire ? demande le président au cambrioleur.

Personne, répond ce fil de fer, le visage plus blanc que son pull en laine. Une fois, ma mère a claqué la porte et j'avais pas les clés. Je suis rentré par la fenêtre. C'est venu de là.

Ah… la responsabilité des mères », sourit le magistrat.

Le 11 août 2015, c'est la fenêtre de Bruno qu'il enjambe, après l'avoir brisée. Razzia sur l'ordinateur, le disque dur et le portefeuille. S'en suit le triptyque classique : confondu par le Fnaeg (Fichier national des empreintes génétiques), convoqué au poste, placé en garde à vue. « Je ne me souviens de rien, mais si vous le dites c'est que ça doit être vrai », concédera Stéphane aux policiers.

Devant le tribunal, le prévenu se fait juge. Effaré d'avoir cru, toutes ces années, « mener la belle vie en volant » ; dégoûté de mettre son emploi de coursier en péril ; dévasté par le mal causé à sa compagne de 28 ans. Puis le discours change, de juge, Stéphane se mue en avocat. Confie ses espoirs d'une vie meilleure, de voir ses vices prendre la poussière. Des espoirs rendus possibles par son nouvel emploi, son permis de conduire en poche et le projet d'emménager avec son alter ego.

« Onze ans de relation ! s'exclame le président, les yeux écarquillés sur le rapport de personnalité. Ce n'est pas trop tôt pour s'installer ensemble !

Je ne sais pas ce qu'elle fait encore avec moi, sanglote Stéphane.

Allons donc ! Ne dites pas ça monsieur, tempère le magistrat, bienveillant. En gros, vous nous parlez d'espoir. C'est de cela dont il faut nous convaincre. »

« Stéphane, qu'est-ce que c'est que ces histoires ? »

Le ton affable du président fait place à la parole cinglante de la jeune procureure. Mais sur le fond, cette même bienveillance. « La question que doit se poser le tribunal : est-ce qu'on lui laisse une chance ? » Face à un prévenu aux 23 condamnations pour des faits similaires, une peine ferme s'impose. Mais face à un prévenu touchant et lucide, avec de vraies garanties d'insertion, une touche de mansuétude est de mise. Elle réclame donc huit mois ferme avec maintien en détention, une peine aménageable le plus vite possible. Au choix, semi liberté ou bracelet électronique.

Stéphane. (Illustration : Clarisse Le Chaffotec)

« Stéphane, qu'est-ce que c'est que ces histoires ? aboie son avocat, presque plus dur que le juge et la procureure réunis. Désolé de te tutoyer, mais qu'est-ce que tu fais ?! Tu gâches tout ! Tu as tout ce qu'un trentenaire rêverait d'avoir : logement, femme et emploi. » Le sermon admonesté, il prend enfin son rôle de défenseur à bras-le-corps. Pourquoi le condamner alors que la victime l'a pardonné ? Pourquoi le mettre en prison alors que ça n'a jamais fonctionné pour lui ? Comment l'aider à s'en sortir ? Par le travail. « En ce moment, il se lève tôt et se couche tard. Son employeur le qualifie de "garçon sérieux et travailleur." » Par la confiance aussi. « Le bracelet, ça fonctionne ! C'est l'accompagner avec cette épée de Damoclès. Il a sa place dans notre société, il a sa place avec nous. »

Il est temps pour Stéphane de s'exprimer une dernière fois. Après avoir écouté, poing contre la joue, son avocat, il se lève, prudent. « Si la victime est dans la salle, mais je pense pas, je voudrais m'excuser auprès d'elle, lui dire que je suis prêt à l'indemniser — Puisqu'on vous dit qu'elle n'est pas partie civile », coupe le président.

Après délibération, le tribunal suit les réquisitions et condamne Stéphane à huit mois ferme, avec maintien en détention. « Mais je préviendrai dès demain le juge d'application des peines pour que soit mis très rapidement en place un régime de semi liberté – Non, bracelet électronique », lui souffle l'assesseur. « Ah oui ! On a pas mal hésité. »

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