Stéphane comparait libre, ce qui le rend confiant. Il a le fond de l'œil gris des buveurs immodérés, le visage rosé et les cheveux blonds plaqués en arrière. Trois pas dans le prétoire, le voilà qui toise la salle d'un regard méfiant, la main sur la sacoche. La présidente ouvre son dossier : « 25 condamnations – pas un casier en dessous de 20 aujourd’hui. Alors vous ça commence au tribunal pour enfant en 1987. » Ça la fait tiquer : « 1987 ! Pourquoi pas 1960 ! Ha non, vous êtes né en 1970. » Elle égrène en grinçant les délits de Stéphane. L’alcool, la rue, la bagarre, la prison.
Ivre, Stéphane a frappé un caméraman de l’émission Les Reines du shopping. « Je n’étais pas alcoolisé », prévient-il. « Enfin, pas trop. » Assis dans le jardin des Halles, il vidait mollement quelques canettes de bière forte. Soudain, au loin, une camera le fixe : « Elle me filmait, je suis allé discuter, je voulais protéger mon droit a l’image », annonce-t-il. La présidente se moque : « Ha bon ? Donc c'est vous la reine du shopping ? Eh bien, bonjour madame. » Stéphane plisse les yeux et regarde son avocat. La présidente synthétise, tous les témoignages convergent : l’équipe de tournage au travail voit débouler un ivrogne qui vocifère et se rue sur le caméraman.
« Vu la distance, l'angle, vous divaguez, monsieur »
Elle décortique la situation : « Vous étiez aux Halles, dans un jardin. Le caméraman était positionné au niveau du 50, rue de Montmartre, filmant l’entrée de la candidate dans la boutique du numéro 39. » Elle calcule, relève la tête, mine circonspecte : « Vu la distance, l’angle, vous divaguez, monsieur. » Mais Stéphane ne se laisse pas démonter et hausse le ton : « Elle m’a d’abord fixé avant de balayer vers autre part. – Oui, ça s’appelle un travelling. Monsieur, avez-vous l’impression d’avoir une vision lucide de ce qui se passe autour de vous ? – Oui », assure-t-il. Il insiste : « Je me souviens de tout, et je me souviens pas de l'agression. »
Il n'est pas cru. Son taux d’alcoolémie a été mesuré à 2,22 g par litre de sang. Les policiers l’avaient ramassé la nuit passée, fin rond, et l'avaient conduit en dégrisement, dont il sortait tout juste au moment des faits. « Les violences ne sont pas graves – pas d’ITT – mais il faut soigner cette addiction à l’alcool », entonne le procureur. Il propose six mois de sursis avec une mise à l’épreuve de trois ans centrée sur un sevrage durable. En défense, l’avocat « salue » ces réquisitions. Il évoque le « processus de chaos » qui a brisé Stéphane. L’alcool, qui lui ronge l’âme, l’éloigne irrémédiablement de la société et le laisse seul, en état d'ébriété, sous les décombres d'une vie d'ivrogne. Stéphane secoue la tête, réfute en silence. Il accepte avec réticence de suivre les soins auxquels il est condamné suivant les réquisitions du ministère public. Il part presque fâché.