Dans leur maison de la commune de Gray, en Haute-Saône, le soir du 27 octobre 2017, Jonathann Daval a étranglé sa femme. Avant de lui serrer le cou, il l'a frappée au visage, dans l'escalier qui mène au garage. Il l'a brutalement poussée contre la rambarde, elle s'est défendue à s'en retourner les ongles, mais il l'a étranglée. Elle a d'abord perdu connaissance, puis il a continué pendant environ quatre minutes. Lorsque que le corps fut inerte et qu'il l'eut constaté par quelques claques restées sans réponse, il alla chercher le Citroën Nemo, son véhicule de fonction, puis il traîna le cadavre de son épouse dans le coffre. Il est 1 h 26 du matin. Le corps d'Alexia Daval passe la nuit dans la voiture, qu'à plusieurs reprises le meurtrier vient visiter. Au matin, il prend la décision de transporter le corps afin de dissimuler son crime. Il roule dans la campagne, s'arrête au bois de la Vaivre et transporte le corps « comme un sac à patates » vers une ébauche de clairière qui point au creux de la dense forêt. Il recouvre le cadavre d'un drap blanc brodé sur lequel il pulvérise un aérosol, puis il tapisse la sordide sépulture d'un tas de branches, avant d'y mettre le feu.
Il rentre chez lui. Envoie un message aux parents d'Alexia depuis le téléphone de leur fille : « Hello tout le monde debout. Je vais aller courir un coup, je passerai peut-être vous faire un coucou si je suis motivée. Bisous. » Il est 9 h 13. À 9 h 30, il se rend chez sa mère, à qui il confie son inquiétude d'avoir laissé son épouse courir seule dans les bois, à cause de malaises qu'elle ferait, ces derniers temps. À 10 h 37, il écrit à Alexia : « je vais passer par le boulot récupérer l'imprimante pour notre voisin. Ne m'attends pas pour la douche. » À 10 h 42 : « Toujours en train de courir. Je vais au verre vider les cadavres que tu bois. Lol. Bisous à tout à l'heure. Je t'aime. » À 11 h 04 : « Tu es rentrée ? Je vais arriver. » Jonathann Daval quitte son domicile en voiture. Il passe vider le compost et se rend au bar-tabac tenu par les parents d'Alexia, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot. Comme à son habitude, il passe derrière le comptoir pour se faire un café, qu'il boit gaiement, il « donne le change » sans rien laisser paraître, avant de partir en saluant les clients attablés. À 12 h 15, il décide de se rendre à la gendarmerie pour signaler la disparition de son épouse.
Les recherches débutent. Le dimanche 29 octobre, une enquête de flagrance est ouverte pour enlèvement et séquestration. Le lendemain, les gendarmes, des effectifs militaires et une battue citoyenne ratissent les bois de la région. La population grayloise participe activement à la recherche de cette fille du village, que tout le monde connaît. Ce sont des élèves-gendarmes qui découvrent le corps d'Alexia Daval partiellement calciné. Le mardi 31 octobre 2017, une information judiciaire est ouverte du chef d'assassinat.
Une marche blanche a lieu à Gray le dimanche suivant. Sous la pluie, 8 000 personnes défilent en silence, la tête basse. Sous un barnum, au micro, un petit homme grimaçant apparaît alors à la France entière. Le visage tordu de douleur, il pleure son Alexia, entouré des époux Fouillot qui le consolent. Les caméras de télévision filment chaque instant, les comptes rendus de journaux dissertent sans fin du meurtre de cette joggeuse, encore un, et des éditorialistes hyperboliques s'égosillent sur toutes les chaînes du pays. La couverture médiatique donne à ce meurtre un retentissement insensé. Les moyens déployés par une chaîne comme BFM TV sont extraordinaires. Ils ne couvrent pas ce fait divers, ils l'essorent ; après leur passage, aucun secret ne subsiste, tout est dévoilé dans une fanfare de « breaking news », un feuilleton tragique et indécent qui tient en haleine des téléspectateurs jamais assouvis.
En marge de l'émoi cathodique, les gendarmes enquêtent. « Prenez le temps qu'il faudra, M. Blanchard, mais ne nous faites pas un petit Grégory », avait lancé Isabelle Fouillot au gendarme. Déjà, à l'enterrement, ils observent certaines larmes avec circonspection. À vrai dire, ils ont réuni plusieurs éléments qui, déjà, pointent Jonathann Daval, mais ne se précipitent pas pour interpeller le suspect. Le voisin du couple a entendu un bruit de plaque métallique caractéristique à 1 h 26 du matin, qui correspond au passage d'un véhicule sur cette plaque, située dans l'allée des Daval. Le véhicule de fonction de Jonathann Daval est équipé d'un traqueur GPS, activé à la même heure, qui a « borné », activé des relais tout près des lieux de la découverte du corps. Le message envoyé aux parents à 9 h 13 paraissait suspect, car écrit sans abréviation, ce qui n'était pas dans l'habitude d'Alexia. Le contenu de l'estomac de la victime était en contradiction avec les déclarations de Jonathann Daval, selon lequel son épouse avait mangé quelques fruits avant de partir courir, et d'ailleurs, ce « bol alimentaire » était bien trop important pour correspondre à une collation prise avant d'aller courir.
Le 29 janvier 2018, Me Randall Schwerdorffer apprend par la presse que son client, Jonathann Daval, a été placé en garde à vue, et ainsi, de partie civile, il bascule en défense. Interrogé par le président de la cour d'assises, le gendarme raconte : « Il est très bavard à la première audition, très généraliste. Puis, à mesure qu'on le met face à ses contradictions, ses réponses se font plus brèves.
− Au-delà des mots, est-ce que son comportement change ?
− Il est toujours très distant par rapport aux faits, comme s'il était extérieur.
− Il pourrait y avoir un effondrement.
− Son comportement ne variait pas. C'est très peu courant de rester enfermé comme ça. Le procès verbal comporte six pages de "je ne sais pas". »
Au cinquième interrogatoire, Daval avoue avoir tué sa femme. « A la reprise, Monsieur Daval pleure. Il a le comportement comme on a pu le voir sur les vidéos, quand il est au micro. Il grimace beaucoup, quelques larmes coulent de ses yeux. »
Il minimise d'abord, parlant d'une dispute qui aurait viré à l'étouffement accidentel, avant d'admettre, au fil des mois et des interrogatoires, l’avoir étranglée jusqu'à l'asphyxie mortelle. Pourtant, au mois de juin 2018, le mis en cause sert une autre version, celle du « complot » familial, avec son beau-frère Grégory Gay dans le rôle du meurtrier. Ce n'est que lors d'une confrontation avec ses beaux-parents que Daval « craquera pour de bon » : c’est bien lui le meurtrier. La scène est projetée à l'audience : les avocats regardent leurs pieds ou dans le vide. Isabelle Fouillot et Jonathann Daval pleurent et se parlent tout en pleurant. La mère lui a montré une photo d'Alexia et de leur chat, Daval craque. La même grimace tord son visage. Il se met à genoux et implore le pardon d'Isabelle Fouillot, sa deuxième mère. Elle le relève et le console. « Tu es libéré, maintenant. » Mais il ne l'était pas totalement, et ce n'est que six mois plus tard, lors de la reconstitution, qu'Isabelle Fouillot contraint le meurtrier de sa fille à admettre avoir mis le feu au cadavre.
De tels scénarios, soigneusement feuilletonnés dans les médias, ont maintenu un haut niveau de vigilance dans l'opinion publique. Depuis trois ans, une prise de conscience collective a modifié le regard d'une partie de la population sur les meurtres conjugaux, désignés sous le terme « féminicide » pour décrire le phénomène sociétal. Mais si la fureur collective suscitée par ce procès est dirigée contre Jonathann Daval, c'est avant tout parce qu'il a trahi la foule. Sa détresse avait suscité la pitié et l’empathie dans des proportions irrationnelles, et l'irritation engendrée par ses mensonges évoluent dans les mêmes sphères irrationnelles. Ainsi, à l'aube du 16 novembre, le fourgon de la pénitentiaire transporte Jonathann Daval vers la cour d'assises de Haute-Saône, où, dans la petite ville de Vesoul endormie par le confinement, les caméras s'agitent déjà frénétiquement sur le perron du Palais de justice. La place est cernée par des CRS, qui entourent des grappes de journalistes à l’affût des personnages de l'affaire. Les parties civiles (la famille Fouillot, père, sœur, beau-frère de l'accusé) donnent des conférences de presse entourées de leurs médiatiques avocats – Gilles-Jean Portejoie et Caty Richard, qui représente d'autres membres de la famille. 41 journalistes ont pris place dans la salle principale, et dans deux salles attenantes, où l'audience est retransmise sur des écrans. Une fois le jury formé, les témoins appelés et l'affaire résumée, le président Matthieu Husson a demandé à l'accusé de se lever, et lui a dit :
« Ce procès va vous permettre de vous exprimer publiquement et directement sur les faits. Je voudrais aborder deux aspects. Le décès d’une personne est quelque chose d’absolument tragique mais ce n’est pas rare devant une cour d’assises. Vous ne devez pas être jugé différemment, mais vu l’audience médiatique de cette affaire, mon ressort est de vous garantir un procès équitable. L’autre élément, cette médiatisation a été importante dès le premier jour de l’enquête. Quand nous débattrons, oubliez tout cela, concentrez-vous, regardez la cour et les jurés, ce n’est pas la salle qui vous juge. Vous serez jugé sur les faits évoqués ici et uniquement examinés ici. Il n’y a pas de question piégeuse, vos déclarations ont beaucoup évolué pendant cette instruction, on essaie de comprendre pourquoi. Vous avez néanmoins reconnu être le seul auteur des faits. Ma question : aujourd’hui, vous reconnaissez que vous êtes impliqué et que vous êtes le seul impliqué dans le meurtre de votre épouse ? »
« Oui », répond Jonathann Daval.
L'affaire est alors entrée dans sa dimension la plus contradictoire, où tout pouvait être dit, et chaque élément, débattu par les parties.