« Je traînais un peu dans la cité. J'ai vu L., je lui ai demandé s'il avait un plan pour se faire de l'argent et il m'a parlé de ce monsieur. » Dans la bouche de Dylan, 18 ans, le récit d'une agression violente prend des accents de banalité. Un passe-temps dans son quotidien d'ado désœuvré. « Vous étiez en galère, résume la présidente du tribunal correctionnel de Périgueux, tentant de s'adapter à son registre de langage. Et vous n'avez trouvé que cette solution ? » Dans le box des prévenus, le jeune homme garde les lèvres serrées.
Dylan est devenu majeur en prison où il a purgé, entre février et juin 2016, une peine pour des violences. Il a quitté l'école en début de 4e, décroché quatre condamnations et se trouve à la rue depuis « une ou deux semaines » à cause d'« histoires avec sa mère ». Celle-ci a quitté Chamiers, une de ces poches de misère dans l'agglomération périgourdine, pour une ville de périphérie à la réputation plus respectable, mais lui est resté à la « cité », comme il dit.
Un dimanche soir de décembre, avec un copain qui, lui, est encore mineur, Dylan s'est rendu chez un homme handicapé qui vit dans le quartier. Il a sorti une lame, l'a menacé pour qu'il les laisse entrer. Dans l'appartement, les deux garçons ont raflé les rares effets de valeur qu'ils pouvaient trouver : la télé, le lecteur DVD, une chaîne hi-fi et le téléphone de leur victime, débarrassé de la carte SIM. Dylan a gardé la télé, qu'il affirme avoir « vendue le soir-même à des gitans » après avoir « parlé à deux-trois personnes qui traînaient en bas des bâtiments ». Gain : 150 euros, 130 ont servi à « rembourser des amis », les 20 restants à « s'acheter à manger ». Avant d'être arrêté le lendemain, puis d'être jugé le surlendemain en comparution immédiate pour vol et violences avec usage d'une arme. Sa première comparution devant le tribunal des majeurs.
« Je ne ressens pas de regret de sa part », déplore l'avocate de la victime. Son client est assis au premier rang du public, apathique, bouche bée, épaulé par une femme entre deux âges qui s'est présentée au début de l'audience comme sa curatrice. Un peu à l'écart, sur le même banc, une autre femme, un nourrisson dans les bras, regarde en direction du box. C'est la mère de Dylan, qui paraît presque aussi jeune que lui. Mais derrière la vitre de plexiglas, le jeune homme n'a d'yeux que pour ses juges.
« Mon client non plus ne roule pas sur l'or ! »
Quand la présidente lui demande s'il était conscient que l'homme qu'il agressait était en situation de vulnérabilité, Dylan pèse ses mots. Comme s'il avait peur d'être impoli ou politiquement incorrect. « Eh bien, ça se voyait que c'était pas quelqu'un qui avait la même force physique et mentale. » Handicapé, sous curatelle, cet homme vivote d'aides sociales et d'un petit travail au sein d'une association. « Lui non plus ne roule pas sur l'or », déplore son avocate. Pire, et c'est là toute la tristesse de ce dossier, il « est connu à Chamiers pour être une victime facile », note la procureure. En mars 2016 et en 2014, l'homme a déjà subi des agressions par ce que la représentante du parquet nomme « la même clique ».
Tandis que la partie civile demande 3 000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices physique et moral, la procureure, avec son débit de mitraillette, réclame à l'encontre de Dylan six-mois-de-prison-ferme-avec-mandat-de-dépôt-plus-la-révocation-partielle-d'un-sursis-avec-mise-à-l'épreuve datant de mars 2016, quand il était encore mineur.
« Pour lui, la violence, c'est quand on frappe »
« C'est un garçon complètement perdu, tente de plaider l'avocate de la défense, qui suivait déjà Dylan au tribunal des enfants. Pour lui, la violence, c'est quand on frappe. La violence psychologique, il a du mal à l'appréhender. » Quant à la prison, « ce n'est pas dans ce type de lieu qu'on arrive à s'insérer ». Elle réclame « l'indulgence » du tribunal, même si elle n'a aucune garantie de représentation à apporter pour son client. « Je ne peux même pas vous dire qu'il sera hébergé, admet-elle. Mais la prison a un effet zéro sur lui. »
Dylan y retournera le soir-même. Le tribunal le condamne à six mois de prison ferme et révoque le sursis de six mois. Il doit également indemniser sa victime à hauteur de 2 000 euros.