« C'est une vieille, j'vais pas lui faire la peau, elle est en fin de vie »

« C'est une vieille, j'vais pas lui faire la peau, elle est en fin de vie »

Un mois et demi que j'attends ça. Ils vont voir. Moi, Sayouké, je vais tout dire. D'ailleurs, j'ai tout écrit sur cette feuille, là, tout. Un mois et demi en détention provisoire, c'est à cause de ma mère. « Menaces de mort », dit la juge. Et puis « dégradation de la porte ». N'importe quoi : « Ça a été dégradé dans le sens que j'ai appelé un serrurier et qu'il a fait un trou dans la porte », j'explique. Mais c'est ma mère, la veille elle voulait pas m'ouvrir la porte, elle a appelé les flics et j'ai fini à l'infirmerie psychiatrique de la police. Alors bon… j'étais énervé, parce que l'appartement, mon père quand il est parti au Mali, il m'a dit que le bail était à son nom, alors c'est chez moi, pas chez elle.

« Vous l'avez vu ce bail ? me demande la présidente.

– L'original, non. Mais mon père, il m'a ramené une facture EDF avec son nom.

– Vous comprenez que vous faites peur à votre mère ?

– Je peux parler avec une intonation qui peut faire peur. »

En plus y'a ma sœur ! Je veux plus que ce soit elle ma curatrice. Je le dis à la présidente : « Ma mère et ma sœur, elles ont essayé de me prendre mon AAH (allocation adulte handicapé) pendant que j'étais à Saint-Anne. – Donc elles veulent vous prendre votre argent ? » Ben oui, voilà, quand même. « Quand il est en crise, il va insulter, il va menacer, et ma mère va le prendre pour elle », balance ma sœur. Quoi ?! Mais pas du tout, je dis, « c'est une vieille, j'vais pas lui faire la peau, elle est en fin de vie ! »

« Est-ce qu'il vous a dit qu'il allait vous tuer ? demande la présidente à ma mère. – Oui, mille fois. » Mais n'importe quoi ! en plus, elle prétend être cotitulaire du bail ! Mais c'est du délire ! Faut que… Faut que… Mais mon avocate me calme. Elle ne perd rien pour attendre, elle, là, « la personne qui est en face de moi et que j'appelais ma mère ».

Dans le box, Sayouké. À droite, son avocate. Assise, sa sœur.

Dans le box, Sayouké. À droite, son avocate. Assise, sa sœur. (Illustration : Clarisse Le Chaffotec)

Alors oui, à cause de ce que fait ma mère, y'a quelques problèmes avec les voisins ces dernières années : les policiers viennent souvent. Et puis après je m'énerve avec eux. Alors de temps en temps, ça finit au tribunal, bien sûr : menaces de mort, violences, violences avec arme, outrage, port d'arme de catégorie 6… Alors maintenant, ils disent que y'a récidive.

« Je suis valide, comme n'importe qui dans la salle ! »

En 2010, j'ai eu un accident avec une bétonneuse. C'est de ça dont la présidente veut parler. J'ai même eu des dizaines de milliers d'euros pour ça, parce que quand même, maintenant, je suis invalide à plus de 80 % ! Ben oui, j'ai été dans le coma pendant quelques temps. « Fonctionnement mental limité » ?? Comment ça ?? Et non, j'ai pas besoin d'être suivi : « La psychiatre, elle sait pas ce que j'ai au niveau psychiatrique. C'est le premier psychiatre que je vais poursuivre en justice. Je vais demander des dommages et intérêts, parce que je suis valide, comme n'importe qui dans la salle ! »

« Quand il suit un traitement, il redescend un peu et devient gérable. Mais c'est à son bon vouloir, commence ma sœur.

– Monsieur, est-ce que vous considérez que vos troubles frontaux et neurocognitifs entraînent des troubles du comportement ?

– Oui, je fais.

– Et est-ce que quand vous prenez un traitement, ça va mieux ?

– Non. » Pas besoin, je vais bien, pas de problème.

Et ma sœur qui continue à baver sur moi : « Dans ses crises, il passe tous les quatre matins au tribunal pour demander que je ne sois plus sa curatrice. » Et puis qui dit n'importe quoi sur ma société d'électricité/plomberie que j'ai fondée : « Elle n'a jamais tourné, elle ne fait pas de bénéfice. » Mais quoi ?! Non, là, faut que j'parle ! Hé, j'lève la main ! J'ai des trucs à dire, j'ai tout noté sur ma feuille ! Hé, mon avocate, faut parler ! « J'vous ai payé avec mes euros et vous faites n'importe quoi avec moi ?! Menteuse ! »

« Je pense que la justice pourrait aider toute cette famille »

« Il ne se rend pas compte, tant c'est sa manière de faire lorsqu'il ne suit pas de traitement. Je pense que la justice pourrait aider toute cette famille », raconte la procureur en demandant huit mois de prison. Mais j'écoute plus, il faut que je parle avec ma sœur, alors je l'appelle. Pendant ce temps, mon avocate dit bien que je suis « pas dangereux ». « Mais il cherche a intimider son entourage », elle rajoute.

À mon tour : « Je me suis concerté avec ma sœur sans que vous vous en rendiez compte. Ma mère, c'est une personne qui me sort par les yeux aujourd'hui. Je veux juste récupérer mes affaires et je veux plus la voir de mes yeux. »

Ça va, la présidente dit « huit mois dont cinq avec sursis, une mise à l'épreuve pendant trois ans, obligation de soin, interdiction de se rendre au domicile familial. Vous verrez avec le juge d'application des peines pour aménager le mois et demi qui vous reste à faire. » C'est bon, je sors ! Je préviens ma sœur : « Viens me chercher devant Fleury ! »

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