« C’est bon, tu m’as eu… Appelle la police et laisse-moi partir »

« C’est bon, tu m’as eu… Appelle la police et laisse-moi partir »

Mebarek se présente rapidement au micro. Il parle vite et regarde sans cesse le public. Ses cheveux longs sont mal attachés, son blouson vert fermé jusqu’au cou laisse entrevoir un collier de barbe. Vite encore, il dit vouloir être jugé tout de suite. Le président, Jean-Michel Faure, cheveux gris et lunettes rectangulaires, acquiesce et entame le résumé des faits. Dans la nuit du 14 janvier 2017 un homme s’introduit dans le domicile d’une famille lambda. Il y dérobe un iPad, un téléviseur, quelques papiers et surtout la clé du DUSTER garé devant la maison. À l’étage, le fils de la famille entend du bruit. Il descend et tombe nez à nez avec le cambrioleur. « C’est bon, tu m’as eu… Appelle la police et laisse-moi partir » réagit l’individu. Ce dernier tente tout de même d’asséner un coup de poing au jeune homme, qui l’évite et tombe. Au sol, la victime voit son agresseur sauter dans la voiture et défoncer le portail pour s’enfuir.

Mebarek comparait devant la 8e chambre des comparutions immédiates de Lille pour vol avec violence en récidive légale et dégradation. Il clame son innocence.

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(Illustration : Alexandre Cochez )

« Si vous vivez avec une prostituée, vous êtes proxénète Monsieur, attention… »

Jean-Michel Faure égraine les charges à l’encontre de Mebarek. La vidéo surveillance d’une maison voisine a capté des images de deux personnes peu de temps avant les faits. Une jeune femme et un homme, aux cheveux longs, à bord d’un véhicule. Mebarek ? « Non », répond l’intéressé. L’immatriculation dudit véhicule a été relevée. Il appartient à une certaine Justine : « Vous la connaissez ? s’interroge le président - Oui, c’est ma copine », répond Mebarek. Mais non, cela n’explique rien : « Elle fait de la coiffure, à gauche à droite. Elle devait avoir un client pas loin. » Le président fronce les sourcils, il prend le temps d’évoquer le cas de Justine. Elle se prostituerait, arnaquerait des hommes, souvent âgés, à coups de faveurs sexuelles. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une autre procédure, avec Mebarek : « Si vous vivez avec une prostituée, vous êtes proxénète Monsieur, attention… », prévient le magistrat.

Mais aujourd’hui la question n’est pas là. Pas encore. La victime identifie Mebarek sur la vidéo et reconnait sa voix. Mebarek nie. Une voisine en donne la description également. Mebarek nie encore et s’étonne : « Vous n’avez pas relevé les empreintes ! - C’est vrai que l’on verra que vous connaissez la procédure pénale », ironise le président. Le casier du jeune homme de 26 ans dénombre une quinzaine de condamnations, presque toutes devant le tribunal pour enfant. Beaucoup de révocations de conditionnelles ou de sursis : « Vous devez aimer la prison… » conclut le magistrat, dubitatif. Mebarek vit du RSA. Il tenait une pizzeria qui a fait faillite. Il a pour projet d’en rouvrir une.

« Arrêtez de faire des grimaces pendant que je parle ! »

Monsieur Frédéric Amegadjie, procureur, allume son micro. Il rappelle le fléau que représentent les cambriolages : « À Lille, ce sont 500 cambriolages par an qui sont commis », soupire-t-il. Il prend quelques instants pour caractériser chaque infraction. Aucun doute possible, c’est bien Mebarek qui les a commises. Deux personnes l’identifient, la vidéo, le lien entre la propriétaire de la voiture et lui, les cheveux longs dont tout le monde parle : « Il y a beaucoup d’éléments qui rattachent Monsieur aux faits. » Sans surprise, le parquetier demande aux magistrats d’entrer en voie de condamnation : « L’ensemble des indices implique nécessairement le prévenu. » Il réclame la plus grande fermeté : « Parce qu’il savait ce qu’il risquait. Il n’existe pas de doute. » Il requiert 24 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt.

Maître Florian Régley démarre sur les chapeaux de roue. Cheveux bruns gominés et barbe taillée, il sermonne : « La règle de base, c’est que la charge de la preuve, c’est à l’accusation de nous l’apporter. » Avant de déplorer les errances de l’enquête : « Je n’ai aucune prise d’empreinte. Je n’ai rien dans ce dossier. Pourtant on avait le temps de faire toutes les investigations ! » Soudain, alors qu’il s’offusque de ne pas avoir eu l’intégralité de la procédure en temps et en heure, Maître Régley s’adresse au procureur : « Arrêtez de faire des grimaces quand je parle ! » S’ensuit un échange musclé : « Je ne peux pas laisser dire des bêtises ! explose le procureur - Des bêtises, de mieux en mieux… Je souhaiterais que Monsieur le greffier prenne acte de ce qui vient d’être dit ! » Maître Régley revient au vif du sujet et remet en doute les témoignages : « Personne ne parle de barbe ! Aucun témoin n’en parle, alors qu’il a toujours eu cette barbe. » En guise de péroraison, il fustige une fois de plus l’enquête : « Je vous demande de tenir compte que cette enquête n’est ni fait, ni à faire ! »

Mebarek a la parole en dernier : « Je n’ai pas fauté », jure-t-il. Qu’à cela ne tienne, Jean-Michel Faure et ses assesseurs le condamnent aux réquisitions du ministère public, soit 24 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt. Mebarek et son conseil ont indiqué leur intention d’interjeter appel.

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