Imad place ses juges dans une position inconfortable. En deux mois, les magistrats périgourdins ont tout essayé pour lui éviter la prison ferme. Désormais, ils ne voient plus pour lui d'autre avenir. « L'école d'une délinquance plus grave », prophétise son avocate. Certainement pas la meilleure pour ce lycéen de 18 ans, dont le casier judiciaire était vide avant la rentrée de septembre.
Le prévenu. (illustration : Mathilde Tournier)
Originaire de Toulouse, il a redoublé sa terminale STI2D « parce qu'il voulait un bon dossier pour devenir ingénieur mécanicien », souligne son conseil. Mais voilà, ces derniers mois, Imad avait de mauvaises fréquentations. C'est pour l'en éloigner que ses parents ont pris la décision de l'envoyer à Périgueux chez sa grand-mère. Il y a commencé sa deuxième terminale et une incompréhensible carrière de délinquant.
« Il dit qu'il fait ça pour que ses parents le reprennent et qu'ils lui portent de l'attention »
C'était le 28 août, à une poignée de jours de la rentrée des classes. Il tente de forcer un Renault Kangoo à la sortie d'une boîte de nuit. Et parce que ce n'est pas si simple d'entrer en délinquance, le garçon demande à des passants de l'aider. Une arrestation et une convocation devant le procureur plus tard, il récidive dès le lendemain en dérobant une voiturette de golf. Nouvelle convocation du parquet pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le 4 octobre, il subtilise une Renault Cinq, est pris une nouvelle fois et passe cette fois en comparution immédiate. « Il a alors expliqué qu'il faisait ça pour que ses parents le reprennent et qu'ils lui portent de l'attention, note la procureure. On lui a tendu une main en prononçant une contrainte pénale. Mais il ne l'a pas respectée… »
Le 11 octobre, Imad quitte le palais de justice, le 28 il dérobe une Toyota Yaris dans son quartier du Gour de l'Arche. Les policiers le cueillent une heure et demi plus tard au volant du véhicule, stationné devant la gare de Périgueux.
Et le voilà dix-sept jours après sa première comparution immédiate de retour dans le box de l'immense salle des assises, qui sert aussi pour la correctionnelle et les comparutions immédiates. De loin, très loin, la présidente observe cet ado dégingandé plié sur son micro, le regard barré par une mèche brune. « Pourquoi avez-vous emprunté cette voiture, alors que vous n'avez même pas le permis ?, demande-t-elle avec douceur. – Pour aller à la gare, marmonne-t-il. Vous aviez un vélo. – C'était plus rapide ! »
« On est déconcertés »
De toute sa hauteur, la procureure tente de le secouer un peu. « Vous êtes parti à 15 h du Gour de l'Arche. Les policiers vous trouvent devant la gare à 16 h 30. Il ne faut pas tout ce temps pour aller d'un point à l'autre. Qu'avez-vous fait pendant une heure et demie ? – J'ai stationné au Toulon. » Le quartier qui fait la jonction entre le Gour de l'Arche et la gare. Elle n'en tirera pas plus.
« On est déconcertés », se désole la représentante du parquet devant ce prévenu fermé comme une huître, avare d'explication et de toute évidence cachottier. Mais pas impertinent ; le lycéen est poli. De son attitude perce même une certaine candeur. Lorsqu'il demande au tribunal que soit « renforcée sa contrainte », que c'est « la dernière fois », il semble persuadé de ses dires. Mais « comment vous croire ? » s'interroge la présidente.
Depuis le début de sa contrainte pénale, Imad a « fait la démarche pour s'inscrire à l'auto-école », souligne son avocate. Oui, mais il a aussi eu un accident avec une voiture volée – juste avant le vol de la Yaris au Gour de l'Arche. Des faits pour lesquels il sera jugé ultérieurement.
Et puis, outre la sanction judiciaire, il y aussi la sanction éducative. Le garçon a été temporairement exclu de son lycée à cause de son comportement. Puis c'est sa grand-mère qui a fini par le mettre à la porte. « Je respectais pas les horaires », marmonne-t-il au « pourquoi » de la présidente. Depuis quelques jours, il dort à l'hôtel.
« Pourquoi pas une peine en semi-liberté, pour qu'il puisse suivre ses cours ? »
« C'est un garçon perdu, résume son avocate. Ces vols, ce sont autant d'appels à l'aide. Ce qu'il veut, c'est retourner vivre chez ses parents. »
Perdu, la représentante du parquet emploie aussi cet adjectif. Immature, dit-elle aussi. « Il a besoin qu'on lui rappelle que chaque acte a ses conséquences et qu'il doit les assumer, assène-t-elle. Il demande un cadre ? Prenons-le à son propre jeu. Pourquoi pas deux mois de prison ferme, avec mandat de dépôt, mais en semi-liberté, pour qu'il puisse suivre ses cours ? »
Lycéen le jour, détenu la nuit. Une drôle de double vie à laquelle Imad va devoir se faire jusqu'à la fin du trimestre : le tribunal décide suivre les réquisitions du parquet. Cette fois, l'adolescent quitte le palais de justice dans un fourgon pénitentiaire. Son établissement scolaire doit le réintégrer la semaine suivante.