Il a ce qu'il est convenu d'appeler une « bonne tête » – un corps rond enveloppé dans un tee-shirt blanc –, reconnaît une partie de ses torts et répond poliment quand on le questionne sur les faits contestés. Par moment, il jette un regard attendrissant à sa copine assise au deuxième rang. Enceinte de six mois, elle a attendu près de huit heures, ce 27 juillet, pour enfin voir apparaître son homme dans le box des comparutions immédiates du tribunal correctionnel de Nantes. Il est 22 h passées, et cet habitant de Vertou revient devant les magistrats après une condamnation en mai pour la même histoire : des menaces de crime envoyées par SMS à son ancienne compagne.
Ils se sont séparés en 2014 après cinq ans de vie commune. La garde de leur fils de 6 ans s’est organisée à l’amiable, mais le père ne verse plus de pension depuis deux ans, et il a peu à peu arrosé son ex-compagne de messages menaçants : « Ça va finir en bain de sang, en drame, tu vas payer cher », écrit-il notamment. De temps en temps, les messages sont accompagnés de photos de cartouches. « Je me suis pas rendu compte du mal que j’ai pu faire, j’étais tombé dans les addictions », avance le prévenu. Sur certaines images, des plaquettes de shit sont posées à côté des cartouches. Erreur de destinataire selon lui. Il conteste en revanche le dernier volet de photos relevé dans la procédure. On y voit son fils posant avec des liasses de billets de 50 et 100 euros dans les mains. La présidente persifle : « Cela fait-il partie des principes d'éducation que vous souhaitez inculquer à votre fils ? – Ça m’est complètement étranger, je lui apprends la valeur de l’argent, en plus », se défend-il.
« Tu vas goûter à la chevrotine, j’ai des soldats à moi, garde l’œil ouvert »
Alors qu'elle venait d’apercevoir l’enfant non attaché, dans le véhicule du père qui conduisait avec un joint à la bouche, la mère décide, mi-juillet, de le garder avec elle. Le prévenu en a pris ombrage : « Tu vas goûter à la chevrotine, j’ai des soldats à moi, garde l’œil ouvert », lui écrit-il. Il menace également son nouveau compagnon, un artisan dont le numéro de téléphone est affiché sur son camion.
Le 20 juillet, au petit matin, le prévenu aurait débarqué chez eux en compagnie d’un complice et fait le tour de la maison en tentant d’ouvrir les volets. Il avait, auparavant, déjà intimidé son ancienne belle famille. Interpellation : les gendarmes découvrent à son domicile un fusil à pompe et plusieurs cartouches calibre 12 percutées, le tout à peine dissimulé dans la salle à manger. « C’est pour me défendre, lâche-t-il. – C’est pas plutôt en lien avec le trafic de stupéfiants ? », interroge la présidente. Silence.
La mère, partie civile, s'approche à la barre. « Ça fait deux semaines que je cache mes enfants », explique la jeune femme (elle a reconstitué une famille avec son nouveau compagnon). Elle enchaîne : « Nous vivons barricadés, les enfants me demandent pourquoi je n’ouvre pas les volets en plein été. Mon fils de 6 ans met des armes autour de ses personnages quand il joue. » Semblant accusé le coup, le prévenu use alors de la diversion. Un médecin généraliste aurait parlé de bipolarité le concernant et il serait tombé dans l’héroïne. L’un des deux juges assesseurs lâche un soupir pendant que l’ancienne compagne secoue la tête de dépit.
« Il faut que ça s’arrête avant le drame »
Puis il essaie de se reprendre : « J’ai fait n’importe quoi, je ne peux pas expliquer quelque chose qui soit aussi bas, j’ai été égoïste. » Pas de quoi émouvoir la procureure centrée sur la personnalité « inquiétante » d’un homme condamné en 2005 à six ans de prison dans une affaire d’extorsion violente, un soir de Noël. À la lecture de l’enquête sociale, on apprend que la mère du prévenu est morte il y a un an. Cariste de formation, il n’a plus travaillé depuis. « Mais je suis pas un chômeur de longue durée », rebondit-il.
« Il faut que ça s’arrête avant le drame, embraye l’avocate de la partie civile. On a récemment connu une histoire similaire, où les enfants se retrouvent placés, car leur père avait fini en prison après avoir tué la mère d’un coup de fusil. » En entendant ce début de plaidoirie, la compagne du prévenu fond en larmes et s’échappe dans la salle des pas perdus. Son compagnon, lui, ne bronche pas quand tombe le délibéré.
Il est condamné à huit mois de prison ferme avec maintien en détention, ainsi qu'à quatre mois de sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans. Durant cette période, il ne pourra entrer en contact avec les victimes, ni se rendre dans la ville où ils habitent. Il devra en outre entreprendre des soins et trouver un travail ou une formation. L’interdiction de détenir une arme pendant cinq ans est également retenue. Il n'assistera pas à la naissance de son enfant.