Agressions sexuelles par un gynécologue : un an de sursis

Agressions sexuelles par un gynécologue : un an de sursis

« Quand on entre un spéculum, on fait un mouvement de bas en haut pour écarter les petites lèvres. » Henri utilise un vocabulaire froid, médical, un vocabulaire de gynécologue. À 67 ans, il accuse un peu du poids des années dans son costume bleu sombre : émacié, les cheveux blancs, des tâches brunes sur le visage. Praticien à Paris depuis les années 1980, il jouissait d'une bonne réputation. Jusqu'à ce que deux de ses patientes l'accusent d'agressions sexuelles lors d'examen à son cabinet.

Sur le banc des parties civiles, Mélissa, son ancienne patiente, petite quadragénaire aux cheveux bruns coupés court, un foulard noué autour du cou. À la barre, elle n'hésite pas, elle raconte cette palpation des seins « très chaleureuse » qui « ressemblait plus à des caresses », ces « deux allers-retours avec la sonde pelvienne ». « Il m'a aussi écarté les fesses alors que je ne lui avais rien demandé. » Une autre gynécologue l'avait poussée à se plaindre au Conseil de l'ordre des médecins.

Au premier plan, les deux avocates des parties civiles. Sur la droite, de dos, Mélissa

Au premier plan, les deux avocates des parties civiles. Sur la droite, de dos, Mélissa. (illustration : Dimitri Lecoussis)

« On est en train de procéder à une érotisation de l'examen »

« Je n'ai eu que des remerciements de mes patientes, s'insurge Henri. Mon examen des seins, il est automatisé, standardisé. » Mais une autre patiente a déposé une main courante. À la police, Azadeh, absente le jour du procès, expliquait qu'Henri lui avait touché le bout des seins, lui avait caressé les fesses, puis le sexe, l'avait embrassée dans le cou « à plusieurs reprises ». « C'est impossible, abusif, intrusif s'émeut Henri. Le cabinet est un sanctuaire, il n'y a aucune place pour la sexualité, la sensualité. Là, on est en train de procéder à une érotisation de l'examen. »

Plus de trente années de pratique, rappelle Henri, en hôpitaux et en libéral. « Je vois plus de 100 personnes par semaine. En tout, j'ai fait plus de 300 000 examens des seins dans ma vie, j'ai fait le calcul. Je soigne des familles entières : la fille, la mère, la grand-mère. » Et lui, le médecin respecté, on l'a traité « comme un paria » : « J'ai été en garde à vue. On m'a mis tout nu ! On a fait une perquisition à mon cabinet », lance-t-il, indigné.

Cette fois, Henri s'énerve, distribue les mauvais points. Le juge l'interroge sur le rapport psychiatrique qui le décrit comme « susceptible » et « psychorigide », le bon docteur éclate : « C'est une mascarade. La psychiatrie, ce n'est pas une science exacte. »

« C'est une maligne, elle doit vivre de son corps »

Et puis Henri soupçonne un complot, tombe dans l'abject. Azadeh ? « C'est quelqu'un de complètement déséquilibré. Un confrère m'a dit : "Cette patiente, le prochain examen que je lui ferai, ce sera sous anesthésie générale." » Aux policiers, il glissait : « C'est une maligne, elle doit vivre de son corps. Tout ce qu'elle veut, c'est de l'argent. » Mélissa ? « Elle est un peu… Enfin, c'est une femme de 40 ans sans enfant… », se lâchait-il devant les enquêteurs.

L'avocate de Mélissa sait bien qu'il n'y a « pas d'élément matériel, ni témoin des faits, comme souvent dans les affaires d'agressions sexuelles ». Elle s'appuie sur les déclarations de sa cliente, qui n'ont jamais variées. Car enfin, « on ne détecte pas un cancer du sein en palpant les tétons d'une femme. »

À gauche, Lef Forster, l'avocat d'Henri. Au premier plan, les deux avocates des parties civiles

À gauche, Lef Forster, l'avocat d'Henri. Au premier plan, les deux avocates des parties civiles. (illustration : Clarisse Le Chaffotec)

La procureur sonne la charge contre Henri, qu'elle juge « incapable de se remettre en question ». « Il rejette tous les éléments qui peuvent l'incriminer. L'une de ses victimes est folle. L'autre, il persiste à l'appeler "mademoiselle". L'expert, c'est un imbécile. La psychiatrie, ce n'est pas de la médecine. » Elle rappelle ses déclarations en garde à vue. Azadeh voudrait de l'argent ? « Elle n'en a pas demandé ! » Elle s'étonne que le Conseil de l'ordre des médecins, partie civile dans le procès, n'ai pas interdit d'exercer Henri, et demande un an de sursis simple.

Pour se défendre, Henri a recours aux services d'un cador, Lef Forster. Le célèbre avocat, habitué aux cours d'assises voire à la Cour de justice de la République, tente d'adoucir le portrait de son client, puis attaque. « Si on veut être dans une démarche érotogène (sic), on s'attarde, on tourne… Attendez, on est pas des enfants, ici ! » L'examen n'a-t-il pas été « très rapide » ? Il s'étonne que Mélissa n'ait pas pris de douche après l'agression : « C'est ce qui arrive fréquemment. »

Le tribunal condamne Henri à un an de sursis simple. La décision ne convient pas au bon docteur, qui fait appel. Il reste donc innocent aux yeux de la loi.

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